5 - Belle-maman

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Dire que mes rapports avec ma belle-mère sont tendus est un euphémisme. Adolescente, elle me considérait comme la fille illégitime de son mari, à présent, je suis perçue comme l'intrigante qui a conduit son fils au divorce. Heureusement, Louis est bien accepté. Normal, il est l'enfant de son fils unique.

Elle s'est proposé de garder Louis et Fiona l'espace d'un week-end. Comme Kévin et moi projetons de partir à l'aube demain et que mon compagnon termine tard le travail ce vendredi, c'est à moi que revient l'agréable tâche de déposer les enfants chez leur grand-mère.

Sur le seuil de la porte de son charmant pavillon, elle accueille les enfants avec un enthousiasme sincère. Ils le lui rendent bien. Elle s'agenouille et Louis se jette dans ses bras, Fiona, qui approche des douze ans attend patiemment son accolade. Une fois relevée, elle me décoche un bonjour nettement moins chaleureux.

- Vous voulez entrer ? Se force-t-elle.

Pourquoi pas ? Pour un peu, je serais obligée de déposer les sacs des enfants devant la porte et partir en courant. Un jour il faudra qu'elle m'accepte comme sa belle-fille. Une fois dans l'entrée où trône un immense bouquet de fleur dans un vase si haut qu'il est posé à même le sol, je reste en retrait comme elle discute de manière exclusive avec les enfants. Etre polie, sourire, faire preuve d'empathie. A cause de moi, elle a découvert l'infidélité de son mari, en apparence si parfait et voilà qu'à nouveau je lui casse le mythe du fils exemplaire.

Fiona revient vers moi et se hisse sur la pointe des pieds pour me glisser à l'oreille :

- Pourquoi, elle t'aime pas mamie ?

Elle a compris. Ma courtoisie a assez duré. Mon sourire forcé va finir par me laisser des rides.

- Au revoir les enfants.

- Je peux vous parler quelques minutes ? Me retient-t-elle pourtant.

Elle m'invite à la suivre dans la cuisine pendant que les enfants sortent leurs jouets dans le salon. Si c'est une nouvelle tentative pour m'éloigner de Kévin, elle perd son temps.

- Je vous écoute.

Sa réaction est pire que ce à quoi je m'attendais :

- De quoi avez-vous besoin Sofia ? Ou plutôt de combien ?

Elle me laisse abasourdie. La mère de Kévin en profite pour continuer :

- Sans mon fils vous n'aviez ni travail, ni logement fixe. C'est de l'argent qu'il vous faut... je doute que votre mère vous ait légué beaucoup de biens.

Ses paroles sont humiliantes. Qu'elle y mêle ma mère m'écœure, qu'elle s'imagine que je fréquente Kévin par intérêt me fait véritablement remonter la bile dans l'estomac. J'ai envie de lui crier qu'elle peut se garder à la fois son argent et son mépris. Les enfants sont si près que j'entends leurs rires. Je me ravise et tente au mieux de maitriser ma colère. Pourtant, elle m'offre une belle occasion de crever l'abcès.

- Je sais que vous ne m'appréciez pas et ce que je représente pour vous, mais cette fois, pas le choix, j'aime Kévin par-dessus tout. N'espérez pas nous séparer, vous perdez votre temps.

Sa voix me rattrape comme je lui tourne le dos.

- Je me demande ce qu'il vous trouve.

La réponse me vient sans plus d'hésitation.

- Peut-être le même charme que votre mari trouvait à ma mère.

Je sais que j'ai été blessante mais elle l'a bien cherché. Je vais faire la bise aux enfants et quitte la maison pour échapper à ses réparties cinglantes.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant