22 - Bouteille à la mer

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Fiona rentre désormais du collège en bus. A son retour, elle me trouve installée dans la cuisine avec Louis, un livre de cuisine entre les mains, peinant à suivre les étapes de la préparation d'un gâteau pendant que mon jeune commis ajoute docilement les ingrédients dans le saladier. Elle nous salue distraitement en passant déposer ses affaires dans la chambre puis reviens sur ses pas s'assurer qu'elle n'a pas rêvé.

- Tu fais un gâteau ? Demande-t-elle en tentant de cacher sa surprise.

- Oui. Kévin adore le tiramisu.

Elle juge le résultat, dubitative. Elle a du voir sa mère réaliser cette pâtisserie des dizaines de fois avec plus de succès. Elle attrape un tabouret et nous rejoint sur le plan de travail.

- Si tu veux reconquérir mon père, j'ai un meilleur plan à te proposer.

- Vas-y.

- Tu te maquilles, tu te coiffes, tu mets une robe qui déchire et tu passes la soirée au resto avec lui.

Elle a douze ans et me donne des conseils de séduction. Elle doit vraiment penser que sa belle-mère est à la ramasse...

- Et vous deux ?

- Je garde Louis. Bénévolement. C'est bon fais pas cette tête. J'ai juste à lui donner son repas, le mettre en pyjama et le coucher. Je sais téléphoner s'il arrivait quelque chose. Et puis, tu choisis un resto pas trop loin, si t'es pas rassurée.

- Pourquoi tu fais tout ça ?

- Il était heureux avec toi jusqu'ici. Et puis, t'es plutôt cool. Mais pour le gâteau, abandonne ; la cuisine, c'est pas ton truc, me taquine-t-elle.

Le plus dur a été de convaincre Kévin que Fiona était assez mature pour garder notre fils. Le serveur qui nous apporte la carte met fin au silence gêné qui s'est installé entre nous. On a perdu l'habitude d'être seuls ensemble à table. Pour un peu, Kévin guetterait l'heure.

- Tu veux prendre quoi ? Me demande t-il de manière formelle après avoir consulté silencieusement la carte.

Le serveur qui attend un peu en retrait qu'on lui fasse signe doit nous imaginer collègues de travail.

- Comme toi. Peu importe. Le plat du jour, tiens.

En fait, je m'en fous un peu. Je constate surtout avec désolation que la situation est mal engagée. Je m'absente un moment pour m'isoler aux toilettes. Comment se fait-il que quelqu'un dont je me suis toujours sentie si proche et ce depuis notre première rencontre, avec qui j'ai vécu des choses si intenses, qui a sacrifié son mariage pour moi, soit devenu si distant ? Après tout, je n'ai plus rien à perdre. Cette robe pourpre m'a couté un quart de mon salaire autant qu'elle soit utile. Je déchire la couture sur le côté de la cuisse, déboutonne assez le haut pour offrir un décolleté plongeant et reviens m'installer face à lui.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant