27 - A bout de Nerf

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Benjamin passe à l'improviste comme je suis en train de repasser. Il jette un œil sur la pile de linge en arrière plan.

- T'as une vie trippante...

Il s'affale sur le canapé derrière moi, espérant sans doute que je nous serve quelque chose. Il peut attendre, je retourne à mon labeur.

- J'ai discuté avec Marine, entame t-il.

- Vous êtes ensemble ?

- Non. Il poursuit : t'as pas toujours été aussi sérieuse. Tu savais t'amuser avant à ce qu'elle m'a dit.

Je ne réagis pas alors il débranche la prise du fer.

- Je peux savoir ce que tu fais ? Tu débarques quand ça te prend...

- Arrête. T'as perdu ton pote et avec l'envie de t'amuser.

Il fait référence à Cédric. Quel culot ! Tacitement, mon entourage a convenu de ne plus l'évoquer après ce que j'ai traversé. Même Gaétan s'est soumis à cette omerta. Comment ose t-il lui qui ne l'a pas connu, en parler aussi librement ? Marine lui a raconté une version enjolivée ou quoi ?

- Aller, viens t'assoir, dit-il en tapotant le canapé près de lui. Je ne bouge pas alors il insiste : t'as confiance en moi ?

Je réponds sans hésitation :

- Non.

J'ai quand même conseillé à mon amie Marine de le fréquenter, c'est donc par pure provocation que je lui sabote ses tentatives d'approche.

- Oh, arrête. Je me suis juste bastonné une fois avec ton mec et fait un strip-tease ici, le reste du temps, j'ai su me tenir, non ?

Benjamin a beau être mon ainé d'un an, il se conduit comme un gamin insolent et charmeur. C'est bien la première fois que j'ai l'impression d'être la personne la plus raisonnable des deux avec quelqu'un. Même avec Fiona parfois, j'ai l'impression d'être dans une relation d'égal à égal.

Je viens le rejoindre sur le canapé sans me dérider. Il me dépose une bise sur la joue. Et merde, de plus près, son contact a quelque chose de sécurisant et familier, une sorte de promesse de bons moments. Il pose sur la table basse un sac que je n'avais pas remarqué. Il contient un assortiment de bières. Ce geste me rappelle une hallucination que j'ai eu avec Cédric. Je chasse immédiatement cette réminiscence nostalgique en me rattachant au fait que Marine lui a parlé de mes gouts.

- Tu me ramènes un décapsuleur ? Et deux verres ? S'il te plait ! Vas-y, je ne connais pas ta cuisine moi, sinon je le ferai.

Sous l'effet de l'alcool, j'avais peur de trop me dévoiler mais en réalité, mon demi-frère est très bavard ce qui m'évite de m'égarer en confidences. Son enfance, ses potes actuels, son boulot, la guitare, les filles, Marine, tout y passe. Je crois que c'est plutôt lui qui cherchait une oreille attentive. Enfin, attentive... Je viens d'enchainer cinq jours de travail m'attachant à prouver à Maxime Douglas que je mérite mon poste en peaufinant chaque dossier. Déjà sous l'effet de l'alcool, je m'engourdis et baille.

Benjamin va finir par croire que ses aventures en traumatologie m'ennuient. Il a ramené un assortiment intéressant de bières de différentes provenances. Ne voulant faire affront à aucune région en refusant de gouter sa production, on les finit à même le goulot, se partageant l'une et l'autre. Le voilà qui me parle de son premier décès, la sensation ébrieuse s'instille en moi, je pars d'un fou rire comme il me décrit ses angoisses. Je fais une piètre confidente.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant