Dans la salle de bain, Marine se prépare pour son rendez-vous avec Benjamin.
- Il t'a proposé de le rejoindre après sa répet ? C'est bon signe, ça..., lui-dis-je en haussant la voix pour qu'elle m'entende à travers la porte qui donne sur sa chambre.
En fait, ce rendez-vous est tout sauf une surprise vu que j'ai joué l'entremetteuse auprès de mon beau-frère en lui suggérant habilement d'inviter Marine à prendre un verre. Au début, il était dubitatif car il la connait peu. Comme pour beaucoup, au premier abord, la distance policée de la jeune femme, l'impressionne. Au moins, il a le mérite de l'avouer. Alors, j'ai un peu insisté, inondant son portable de SMS. Lassé, il a capitulé.
Je suis allongée sur son lit, incroyablement confortable. Elle sort enfin de la salle de bain, je sursaute et me redresse. Chignon tiré, robe bleue sombre au genou : pour un entretien d'embauche, c'est parfait. Je peine à cacher ma déception. Elle s'examine d'un œil critique dans le miroir :
- Tu trouves que c'est un peu trop strict ? Devine-t-elle.
- Je te préfère les cheveux détachés. T'as pas quelque chose de plus court et décolleté, aussi ?
- C'est un premier rendez-vous, pas une passe, non plus.
- Mais tu l'as déjà vu, Benjamin, c'est quelqu'un de respectueux. Tu peux te lâcher, un peu.
Ma suggestion, l'embarrasse.
- Je ne préfère pas. Je ne suis pas trop à l'aise avec mon corps.
Je reste interloquée devant sa beauté si délicate et harmonieuse.
- Garde-le pour toi, mais j'ai fait de l'anorexie pendant quelques années. Je ne suis pas encore réconciliée avec mon image, explique-t-elle en fuyant mon regard.
Pour avoir partagé plusieurs fois ma table avec elle à une période où on était beaucoup moins complices, cette éventualité m'avait déjà traversé l'esprit.
- Tu as connu des hommes depuis, je tente maladroitement de changer de sujet.
- Cédric, trop peu de temps. Raphaël avec qui je n'ai échangé qu'un baiser. Gaétan, mais c'était plus par transgression. Je suis seule la plus part du temps, à boire de la vodka quand ça me pèse trop, ajoute-t-elle en s'asseyant près de moi.
Depuis que je la connais, elle incarne à mes yeux l'indépendance, la réussite et la maitrise des émotions, à présent elle me livre ses failles et sa fragilité. Je suis stupéfaite. Encore une fois, je n'ai pas su voir derrière le masque. J'aurais envie de la serrer dans mes bras pour lui témoigner mon réconfort, pas sûr qu'elle apprécie.
- Pourquoi, tu me dis ça ?
Elle sourit de l'évidence :
- Sofia, je connais presque tout de toi, les épreuves que tu as traversées. Ce n'est pas très équitable comme relation, tu ne trouves pas ?
J'admets intérieurement.
- Je ne suis pas ton employeur, ni ta thérapeute. On est amies maintenant.
Sa main se pose sur la mienne. Je ne suis résolument pas habituée à l'amitié avec une fille. A l'école primaire déjà, j'esquivais les secrets partagés entre copines et à l'adolescence, les séances d'habillages collectives avant d'aller en boîte. Ce simple contact me trouble. Je rougis, c'est stupide. Elle s'en aperçoit et s'en amuse un peu.
- Tu es timide, toi aussi.
Je nie l'évidence. Elle me dépose un baiser sur la joue. Son parfum si léger, son maquillage si soigné, ses boucles d'oreille raffinées, je ne peux m'empêcher de lui livrer le fond de ma pensée.
- T'es tellement belle !
- Merci, répond-t-elle un peu surprise. C'est toujours agréable à entendre, surtout venant d'une femme.
Sa main est toujours innocemment posée sur la mienne. Je ne sais pas comment réagir. Mon aplomb habituel m'a abandonnée, ne laissant que le doute et la gêne. Je m'apprête à lui rendre son baiser amical, quand elle se tourne aussi. Echange de regard. Je cède à l'envie qui me prend de cours et bouleverse mes repères : je l'embrasse sur les lèvres. Comme cette première fois, après l'accident de Cédric, sauf qu'à présent, l'alcool n'y est pour rien dans mon attirance. Le baiser dure quelques minutes volées au temps. Je m'écarte déjà, anxieuse de sa réaction. Va-t-elle se refermer et me demander de la laisser seule ?
- T'es sûre que c'est avec ton beau-frère que tu veux que je sorte, ce soir ? Plaisante-t-elle.
J'ignore ce que Benjamin lui a raconté mais elle sait que j'ai tout organisé entre eux.
- Tu peux m'aider à baisser ma fermeture ? Me demande-t-elle en se retournant.
Mon cœur bat à tout rompre. Je tremble, si bien que je dois m'y reprendre à deux fois pour ouvrir sa robe.
- Merci, elle se lève et repart en direction de la salle de bain.
Qu'est-ce qui m'arrive ? J'ai vu Béné des centaines de fois en maillots pendant nos vacances, eu sous le nez sa poitrine opulente moulées dans des tee-shirts agonisants, je n'ai jamais rien ressenti de tel.
- Ca te convient mieux pour un rendez-vous ?
Elle ressort de la salle de bain, les cheveux lâchés, terminant leur course sur ses épaules en vagues ondulantes, robe moulante, dévoilant à mi-cuisses, des jambes fines.
- Je ne connais pas assez les gouts de Benjamin, mais tu es irrésistible.
Face à elle, je suis en débardeur et jean, le contraste est saisissant et bien sûr, à mon désavantage. Elle approche sa main de mon épaule, remonte la bretelle qui avait glissé. Je frémis à son contact.
- Je vais devoir y aller, s'excuse-t-elle en consultant sa montre.
On descend ensemble les marches de son immeuble, en silence. Dois-je faire preuve d'autant d'honnêteté qu'elle en lui avouant mon attirance ? L'a-t-elle déjà devinée ? Devant la porte d'entrée, dans ce hall d'immeuble un peu sombre, à l'abri encore quelques secondes des passants de la rue, elle me dépose une bise amicale. N'y tenant plus, je la fais reculer dos au mur, et l'embrasse sans retenue, savourant l'excitation qui me parcourt.
Je me recule enfin, elle ne semble pas encore remise de sa surprise mais me sourit pourtant.
- Je suis désolée, je t'ai ruiné ton maquillage, dis-je en constatant mon forfait.
- Pas grave. Ca en valait la peine.
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L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocence
ChickLitKévin a tout fait pour m'aider : m'embaucher dans son cabinet d'avocat, me donner un fils, quitter sa femme et m'aider à surmonter mon traumatisme psychologique. Seulement quand il souhaite agrandir notre famille, c'est la panique ! Il oublie ou quo...