Il relève des yeux surpris du menu qu'il a continué d'étudier studieusement en mon absence. Je sais que je reprends l'avantage quand la carte lui tombe des mains et vient terminer sa glissade aux pieds du serveur. Voilà le signe que ce dernier attendait, il s'approche de notre table.
- Madame, Monsieur, vous avez choisi ? Sans nous laisser le temps de répondre, zélé il enchaine : si je peux me permettre, nous avons une excellente poitrine de porc aux citrons de menton qui s'accordera à merveille avec un Givry rouge.
- Très bien la poitrine, lui répond Kévin sans me quitter du regard.
Il saisit ma main par-dessus la table.
- C'est les montagnes russes avec toi. On ne s'ennuie jamais. Par contre, tu peux refermer ta robe s'il te plait ? Le type de la table d'à côté te mate en douce, je déteste. Si tu ne veux pas que je me lève pour lui coller un pain, rhabille toi.
J'obtempère. Mon audace a fait son effet. Je suis rassurée qu'il ait quitté son indifférence pour sa jalousie plus sécurisante. J'ai cependant besoin d'éclaircir un point avec lui.
- C'est le frère qui parle ou le compagnon ?
- Les deux. Je t'aime énormément.
A la lueur de la bougie dont la flamme oscille entre nous, je dérive vers un souvenir de la fin de notre adolescence. C'était un 14 juillet. Le feu d'artifice explosait en étoiles au-dessus du lac.
- La prochaine, sera rouge, pariais-je.
- Non, verte. Et si c'est le cas je fais un veux.
Une lueur émeraude a inondé le ciel. Plus tard comme on remontait la foule joyeuse vers la ville, je lui ai demandé son vœu. Après une petite hésitation, il s'est décidé à satisfaire ma curiosité.
- Que ma petite sœur garde sa virginité le plus longtemps possible.
J'étais déstabilisée. Jusqu'ici on évitait consciencieusement de parler de sexualité ensemble. Si on y pensait, on éludait d'un commun accord ce sujet trop gênant. Il était fraîchement majeur, j'avais seize ans et tout juste le droit de sortir. Parce qu'avant de l'avoir officiellement, je le prenais en douce. Mon intrépidité l'inquiétait. Il prenait son rôle de grand frère à cœur. Quand à moi, j'avais encore du mal à renoncer au petit ami interdit que j'avais fréquenté trois ans plus tôt.
- C'est perso, lui répondis-je, les yeux rasant le trottoir.
- J'ai pas envie qu'un mec te fasse de la peine, que tu sois déçue. Attend, s'il te plait.
On s'est arrêté au milieu de la route fermée à la circulation, obligeant les badauds qui nous suivaient à nous contourner. Il m'a caressé la joue.
- Tu es tellement belle. Les hommes te feront des promesses pour profiter de toi. Ne te laisse pas faire.
Etait-ce le moment de lui avouer que le seul que j'avais envie de laisser faire, c'était lui ? Trop tard, déjà il me serrait contre lui, oubliant la foule autour qui enflait, se faisant de plus en plus bruyante. Après les familles, le défilé faisait place à des groupes de jeunes décidés à se faire remarquer. Qu'importe ? Dans ce brouhaha, nous seuls existions.
- Je t'aime, m'a t-il glissé à l'oreille, ne donne pas ton intimité à n'importe qui.
Il a laissé courir sa main sur ma joue, le contact était tellement tendre, j'ai ressenti un début d'orgasme si soudain que je n'ai pas su réagir. Je l'ai donc malgré moi laissé sur l'idée que j'acceptais sa demande de frère protecteur. J'ai sûrement bien fait puisqu'on a remonté la rue main dans la main dans cette relation fraternelle qui n'était déjà plus qu'à sens unique.
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L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocence
Romanzi rosa / ChickLitKévin a tout fait pour m'aider : m'embaucher dans son cabinet d'avocat, me donner un fils, quitter sa femme et m'aider à surmonter mon traumatisme psychologique. Seulement quand il souhaite agrandir notre famille, c'est la panique ! Il oublie ou quo...