32 - Recherche de consentement 1/2

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C'est triste de le reconnaitre mais il m'était plus sécurisant de rendre visite à Richard dans le terrain neutre de sa chambre d'hôpital, que de pénétrer dans sa propriété. Se retrouver dans son allée, à attendre l'ouverture du portail électrique, m'intimide. J'appréhende d'autant plus, de lui soumettre l'objet de ma requête. Je lui ai téléphoné pour convenir de ce rendez-vous. Il redevient quelque part mon impressionnant patron. Le portail s'allume puis coulisse tranquillement, entretenant le suspens.

Surprise ! Richard remonte l'allée vers moi. Quand on est assez près, il m'accueille dans ses bras. Après cette étreinte rassurante, il me fait signe de le suivre à l'intérieur.

- Tu avais l'air préoccupé au téléphone. Rien de grave, j'espère ? Me demande t-il en nous versant deux cafés sur la table basse.

C'est plus fort que moi, malgré les attentions qu'il déploie pour me mettre en confiance, je reste persuadée que ma requête va le contrarier. Installé sur son immense canapé de cuir blanc, je tremble malgré la température agréable de la pièce. Le cendrier a déserté la table basse. En même temps, fumer avec une trachéo, ne doit pas s'avérer très pratique... Je vais devoir à mon tour me passer de la clope pour me détendre.

Il m'observe en déposant une assiette de biscuits devant moi.

- Je te connais, quand tu paniques, c'est que tu as quelque chose qui te parait insurmontable à dire. Je t'écoute, ma grande.

Je ne sais plus par quoi commencer. J'ai répété cette scène en boucle jusqu'à pouvoir l'interpréter à la perfection, du moins, devant mon miroir... Face à cette figure patriarcale, je perds mes moyens. Il le devine.

- Regarde-moi. Je ne suis plus ton patron. Tu m'as vu plus mal que je pouvais l'être entre les séances de chimio. Même ma femme, j'ai fait en sorte de lui épargner ça.

- Oui, peut-être...

En réalité, Richard dans la souffrance a toujours su rester digne. A croire que l'élégance est chez mon ex-patron, une seconde nature. J'écourte le préambule dont j'ai déjà oublié l'entrée en matière.

- Kévin m'a demandée en mariage.

Il se redresse, masquant au mieux sa surprise. Sa posture se rigidifie perceptiblement, son sourire l'a quitté. Il remue tranquillement le contenu de sa tasse. Je cherche un endroit où poser le regard. Je redoute son jugement.

- Et toi ? Qu'es-ce que tu veux ? Demande t-il avec une voie infiniment douce.

- Je l'aime depuis notre première rencontre. Je souhaite aussi me marier avec lui.

- Et qui je serai pour m'y opposer ? Je ne suis même pas ton père.

Je réagis sur ces derniers mots :

- Si justement, on comptait un peu là-dessus, j'avoue prudemment.

- Oui, ben j'avais deviné. Qu'on fasse comme si. Il vide sa tasse et la repose dans un son mat sur la table en verre. Pour une fois, je ne m'opposerai pas à ses projets. A la seule condition, ajoute t-il énigmatique.

- Laquelle ?

- Qu'il te rende heureuse.

- « Comme si » quoi ? Demande une voix inquisitrice derrière moi.

Je me retourne, surprise, sur la femme de Richard. Son attitude faussement détendue ne suffit pas à masquer sa suspicion. Richard la regarde s'approcher de nous, visiblement crispé. Il se demande sans doute depuis combien de temps elle nous écoute et ce qu'elle a compris de notre échange.

- Tu rentres tôt de chez notre voisine, chérie, lui fait-il remarquer en donnant à son timbre une distance qui se veut naturelle.

Elle me rejoint sur le canapé. Je me retrouve entre elle et Richard, qui est installé dans le fauteuil. Difficile d'imaginer situation plus inconfortable.

- Ma fille va se marier, Adèle, consent-il à lui répondre. Pas à l'église, bien sûr mais elle aimerait que son père lui tienne le bras en arrivant à la mairie.

Richard n'hésite pas à mentir à sa femme pour me sortir d'embarras. Décidément ce qui nous lie dépasse les liens du sang.

Adèle étire ses longues jambes devant elle et pose une main sous son visage, dans un geste très catalogue glamour des eighties.

- C'est curieux, j'ai cru t'entendre dire que tu n'étais pas son père. Elle laisse planer un silence glacial. Puis ajoute : dans ce cas, comment expliquer tout ce temps que vous passez ensemble ? Le ton est lourd d'insinuations.

Je jette un regard désespéré à Richard.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant