11 - La fin d'un combat?

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Ce soir plus que jamais, j'ai besoin du soutien de Richard. Dans l'ascenseur qui me conduit à son étage, je répète mentalement la manière dont je pense lui annoncer notre choix d'avoir un deuxième enfant. Il est la seule personne qui pourra me conseiller. Comme des dizaines de fois avant, en arpentant le couloir, encombré de quelques chariots décorés de ces seaux jaunes qui rappellent ceux que Louis amène à la plage, je sens une appréhension grandissante me gagner. Est-ce la peur de sa réaction ? La crainte qu'il n'émette un avis péremptoire allant à l'encontre du souhait de Kévin, qui me rend aussi nerveuse ? Ou une intuition morbide ?

Trouver la chambre qu'il occupe depuis plusieurs semaines, vide, me fait l'effet d'un coup de poignard. Deux agents arrivent à ma hauteur, les bras chargés de draps. Je m'écarte pour les laisser pénétrer dans la pièce où elles commencent la réfection du lit.

- Vous savez où est le patient qui se trouvait dans cette chambre ? Je leur demande, la gorge sèche.

Elles échangent un regard de concertation qui me plonge dans un gouffre abyssal, puis l'une des deux me conseille de me renseigner auprès de l'infirmière. Il n'a jamais été question que Richard soit transféré vers une autre unité. Une seule alternative : sa maladie a gagné le combat. Qui m'aurait prévenu ? Sa femme que je ne croise qu'épisodiquement ? Les anciens collègues ne sont certainement pas en tête du cercle des intimes. Finalement, je ne suis qu'une employée du cabinet qu'il a fondé. Je me dirige vers la salle de soin de ce service qu'il me semble trop bien connaitre. Une angoisse sourde m'envahit à mesure que j'approche de mon objectif. Tout à coup, j'aperçois une silhouette familière se dessiner dans un des salons réservés aux familles. Richard me sourit. Je comprends alors que je suis entrain de replonger. Ce n'est pas Richard qui se trouve devant moi, juste le fruit d'une nouvelle dérive psychotique. Vais-je continuer à le voir et lui parler alors qu'il n'existe plus ? Il se rapproche de moi, je suis bouleversée. Partagée entre le bonheur de partager encore quelques instants en sa présence et la peur de replonger dans la maladie. Conscient de mon trouble, il saisit ma main. Cédric aussi, je le sentais près de moi, je pouvais le toucher et réciproquement. Son image se trouble, les larmes inondent mes yeux. Une infirmière met fin à ce moment de flottement :

- Monsieur, Do Sacramento, votre VSL est arrivé.

- Je suis en rémission, Sofia. Je sors aujourd'hui.

Ma logique reprend le contrôle : l'infirmière le voit donc elle aussi.

- Tu ne m'embrasses pas ? Me reproche t-il gentiment pour me sortir de ma prostration. Je pense qu'il a deviné mes pensées.

- Vous pouvez annuler le transport, s'il vous plait ? J'aimerais tellement le reconduire moi-même, j'insiste auprès de l'infirmière qui d'abord un peu surprise, finit par consentir à ma demande.

Le trajet jusqu'à sa villa me fait l'effet d'un rêve éveillé. Je ne peux m'empêcher de jeter des regards inquiets vers lui, j'ai tellement peur qu'il ne disparaisse.

- Concentre-toi sur la route, ma chérie. Je suis quand même à la place du mort, ironise t-il.

- Très drôle !

- Le cancérologue est passé me voir hier avec les résultats du scanner. Les métastases ont régressé. Je n'ai presque plus rien au poumon, m'explique t-il en utilisant sa canule phonatoire qui lui donne un peu une voix de robot.

Quelque part, ce détail désagréable me conforte. Dans mes hallucinations, la vie auprès de Cédric avait à l'inverse, des accents trop idylliques.

- L'intervention de la gorge a permis d'ôter toute la tumeur primitive. Je suis presque guéri, poursuit-il.

Sans lui donner d'explication, je me stationne sur le côté de la rue et me jette à son cou, libérant mes larmes, incapable de me retenir.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant