Parfois avec les confrères du cabinet, nous fêtons le succès d'une affaire juteuse par un déjeuner au resto. Ce sont le plus souvent celles de Maxime. Il nous assomme alors de blagues et de remarques bien senties, parfois drôles, il faut le reconnaitre. Il laisse son côté bon vivant supplanter son naturel vaniteux. On se détend y compris Nicolas. Kévin quant à lui a beau faire semblant, participer aux conversations et rire mais son regard mélancolique ne parvient pas à me duper.
Il est vingt-heures. Il devait récupérer Fiona mais il n'est toujours pas revenu de chez Bénédicte. Savoir que Gaétan est en déplacement pour la semaine ajoute à mon inquiétude. Kévin aura trouvé une oreille attentive, une épaule pour le consoler, des formes voluptueuses pour lui redonner goût à la vie. Fiona doit s'en réjouir. Quel enfant d'un divorce n'entretient pas l'espoir que ses parents se remettent ensemble ?
C'est pourtant elle qui visiblement énervée le précède en entrant dans l'appartement.
- Quelque chose ne va pas ?
Elle s'assoit, boudeuse, sur le canapé et lève un regard vers moi, se demandant si elle peut me faire part de ce qui l'agace.
- Papa refuse que tu ailles en sortie scolaire, c'est ça ?
- Non, pas ça ! C'est un truc d'adulte. Il me dit que je me mêle de ce qui ne me regarde pas.
- C'est-à-dire ?
Elle se lève et va prudemment s'assurer à la fenêtre que son père est occupé à garer la voiture dans la rue.
- Tout à l'heure, je suis rentrée dans le salon, mes parents étaient à deux doigts de s'embrasser.
Je retiens un merde, j'évite autant que possible la vulgarité en présence des enfants.
- T'as fait quoi ? Demandé-je fébrilement.
- Ben, je me suis assise entre eux pour les séparer. Ils sont cons les adultes : ils divorcent et après, ils veulent se remettre ensemble.
Elle doit oublier que moi aussi je fais partie des adultes. Tant mieux ! Cela me permettra d'en apprendre davantage. Dommage, car Kévin rentre à son tour, je n'en saurais pas plus.
- Lave-toi les dents et prépare ton sac pour demain, Fiona.
La gamine s'obstine à rester les bras croisés sur le canapé.
- Fiona, obéis.
Elle jette un regard de défis à son père.
- J'ai raconté à Sofia que t'avais merdé avec maman ce soir.
Il doit s'en douter et feins l'indifférence.
- Arrête de dire des gros mots et tu me parles sur un autre ton.
Elle se lève d'un bond :
- Tu parles peut-être poliment, toi mais ça te t'empêche pas de te conduire comme un ...
Il se rapproche d'elle et lui jette un regard d'avertissement. Fiona est certes grande pour son âge, presque de ma taille, mais il la dépasse de plus de vingt centimètres et la défie par son autorité naturelle. La prudence me recommande de ne pas intervenir dans cette relation père-fille. S'il est parvenu à freiner l'audace de Fiona, il n'a pas pour autant désamorcé sa colère. Des larmes de rage inondent maintenant les yeux de l'adolescente.
- Tu laisses tomber Sofia alors qu'elle vient de perdre son bébé. T'es peut-être un bon père mais comme mari, tu crains ! Et maman, tu viens pleurer dans ses bras quand tu déprimes. Tu cherches quoi ? A te remettre avec elle pour la quitter quand tu iras mieux ? T'as oublié comment elle a souffert avec le divorce ? Elle t'aimera toujours plus que tu l'aimes et t'en profite. T'es qu'un égoïste !
Kévin est parvenu à garder son sang-froid et se garder de gifler sa fille. Pour ma part, je n'ai jamais été aussi heureuse d'entendre une porte claquer pour clore une conversation. C'est une gamine de douze ans qui lui fait la leçon et tente de le raisonner là, où les adultes par lâcheté préfèrent souffrir en silence que de l'affronter.
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L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocence
Literatura KobiecaKévin a tout fait pour m'aider : m'embaucher dans son cabinet d'avocat, me donner un fils, quitter sa femme et m'aider à surmonter mon traumatisme psychologique. Seulement quand il souhaite agrandir notre famille, c'est la panique ! Il oublie ou quo...