33- Recherche de consentement 2/2

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Elle est partie sur un autre terrain. C'est pas possible ? Elle ne s'imagine quand même pas que je couche avec lui ?! Mon père de substitution semble mal à l'aise à son tour. En fait, je ne crois pas l'avoir jamais vu mal à l'aise un jour, jamais devant un client, pas plus devant le cancérologue. Mais Adèle s'applique à ménager un suspens insoutenable. Dois-je m'attendre à ce qu'elle parte en vrille, me hurle dessus et saccage le salon ? Je ne la connais presque pas, on n'a fait que de se croiser et curieusement Richard ne m'en parle jamais.

- Je vais vous laisser, leur proposé-je très courageusement.

- Restez ! M'ordonne-t-elle. Je comprends mieux à présent, ton voyage à La réunion pour lui rendre visite, le gala des avocats de l'année dernière où tu l'as reconduite, à chaque fois que j'allais à l'hôpital elle était là...Comment j'ai pu être aussi naïve ?

Je fais non de la tête mais n'ose rien dire.

- C'est ta maîtresse, Richard ? Réponds !

- Ne sois pas ridicule, intervient enfin mon ex-patron, calmement. Sofia s'apprête à épouser mon ancien associé.

- N'essaye pas de me leurrer...

- Tu as vu l'écart d'âge ? Comment tu peux penser deux secondes que... ?

- Ne me dis pas que ça te dérangerait de mettre ta secrétaire dans ton lit.

Elle est entrain de salir la relation si pure qu'on avait construite, une relation à priori impossible de patron distant et omnipotent avec son employée sans diplôme, sans référence et au début pas très compétente. Pourtant, Richard a su me faire confiance, m'encourager, me soutenir y compris quand Kévin dépassait les bornes. Il a comblé en quelques années le vide laissé par l'absence d'un père. Je me lève d'un bond.

- Vous n'avez pas le droit de salir notre relation ! On s'aime bien autrement.

- Rentre chez toi, ma chérie, me conseille Richard.

- C'est un homme formidable ! Et si vous étiez plus proche de lui, vous ne vous poseriez pas ce genre de questions déplacées.

Richard me regarde m'éloigner. Son sourire est discret mais je lis la gratitude dans son regard. Je me dirige à présent vers la porte d'entrée. Je suis seulement entrain de penser qu'il va falloir que quelqu'un m'ouvre le portail pour ressortir. Ces forteresses ! Dans ma cité, on dévalait l'escalier et une fois la porte vitrée poussée, on respirait l'air pur du parking. Il y avait plus de place aux esclandres et aux sorties de scènes avec panache. Je patiente devant le portail, côté jardin cette fois. Richard me rejoint au bout d'un moment, il a du tenter de calmer madame avant.

- Je suis désolé pour cette scène.

Je n'ose pas lui faire la bise de peur qu'elle ne l'interprète en nous observant depuis les fenêtres du salon. Il s'en fout et me serre contre lui.

- Sofia ? J'ai franchi le portail et me retourne comme il se referme déjà. Félicitations ! Ajoute-t-il.

A présent, je comprends mieux l'ex-addiction de Richard pour le travail. Fuir son domicile était salvateur. Si elle le soupçonne d'infidélité à la soixantaine avec un tuyau planté dans la gorge, qu'est-ce qu'il a du endurer quand il était plus en forme ?

Mon portable vibre dans ma poche : c'est un SMS de lui.

« Je regrette souvent de ne pas être resté avec ta mère. Notre vie à tous les trois aurait été si différente ». Il sait me faire monter les larmes aux yeux. Je regarde avec soulagement ce portail refermé. Devant son soutien inconditionnel, face à lui j'aurais sûrement craqué.

Après avoir frôlé la mort, Richard se rend compte de ce qui lui a manqué. Si le chemin était à refaire, il serait prêt à renoncer à son ambition de monter son cabinet pour lequel la fortune de sa femme a été facilitatrice. Il n'a pas eu d'enfant avec elle et m'a accueillie de manière providentielle, continuant de faire semblant d'y croire après avoir constaté le test de paternité falsifié par Kévin. Quand il a appris que j'avais fugué seule à La réunion, il n'a pas hésité à organiser ce voyage pour me retrouver. Non, il ne serait pas aujourd'hui à la tête d'une fortune fructifiée par son talent mais on serait peut-être encore heureux tous les trois, sans qu'aucun des deux ne soit rongé par le cancer. Et surtout ma mère n'aurait pas fréquenté Sasha Lucciano.

L'audacieuse Sofia Capriaglini / Tome 6 / Présomption d'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant