5. L'hétéro dans la cage aux homos

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ATHENA

— Tu pourrais mettre ça, proposa Prince en attrapant une robe suspendue sur son cintre.

Un des rares vêtements à ne pas être par terre, roulé en boule avec les autres en un tas informe. Mais moi, je m'y retrouvais très bien, reconnaissant mes fringues d'un œil expert, même de loin. Je n'en avais pas tant que ça de toute manière, n'ayant pas besoin de m'apprêter outre mesure pour les jobs que j'avais. Un jean et un pull faisaient bien souvent l'affaire et je ne cherchais donc plus loin.

Je secouai la tête et m'avançai, enjambant le bordel jonchant le sol pour lui prendre l'étoffe des mains. Cette robe avait une connotation particulière pour moi et hors de question que je la porte pour apporter des cafés à cinq hommes bien plus féminins que je ne le serais jamais.

— Fais au moins un effort, ronchonna Prince. Ces types sont des experts dans leur domaine et avec toi, leurs yeux vont saigner si tu y vas comme... comme tu vas partout.

Je levai les yeux au ciel et posai la robe sur mon lit, seule zone épargnée par la guerre vestimentaire faisant rage dans ma chambre.

— Je n'ai signé aucune clause stipulant que je devais être habillée d'une certaine façon. Je vais faire office de plante verte pendant un an donc je ne vois pas pourquoi je ferais un effort.

Mon ami soupira et il sembla s'avouer vaincu bien plus rapidement que je ne l'aurais cru.

— Tu es une cause perdue, Thena. C'est dommage, tu es magnifique pourtant. Pourquoi te cacher derrière tes sacs à patates ?

— Parce que j'aime ça. Comment je m'habille ne regarde que moi.

— Pas quand tu vas bosser avec cinq gays. Et si c'est à cause de ta cicatrice...

Je secouai la tête. Ça n'avait rien à voir avec l'accident de voiture et il le savait très bien. Je n'étais pas pudique au point de vouloir me camoufler derrière des couches et des couches. Je ne me sentais pas particulièrement à l'aise avec des vêtements qui définissaient ma silhouette. Peut-être que je ne me sentais pas assez femme. Je n'en savais rien. Mais en tout cas ce n'était pas mon nouveau travail qui allait redéfinir mon sens pitoyable de la mode et du style. J'aimais que tout soit simple et efficace. Je ne voulais pas perdre de temps à m'apprêter juste pour aller livrer des journaux ou servir au bar. Bye bye les pourboires. Pourquoi la beauté devrait-elle prévaloir sur les capacités d'une personne ?

— Fais comme tu veux, soupira Prince. Personne ne remarque les plantes vertes de toute façon...

Il fronça du nez en tentant de s'extirper de ma tanière et rejoignit le salon. J'attrapai un pull bien trop chaud pour la saison et le suivi, sautant par-dessus mes tas et mon bordel. Le reste de l'appartement était plus propre, moins bordélique. Mais rien n'y était coordonné et c'était comme si j'avais choisi des meubles au hasard pour remplir mon espace de vie. Je passais trop peu de temps ici pour m'en formaliser, ne voyant en cet appartement qu'un lieu de passage, où je venais pour dormir et me reposer entre deux boulots. Rien ne me ressemblait ici, mais avoir un toit sur la tête me suffisait déjà alors je n'allais pas pinailler.

Dans la cuisine, tout l'électroménager semblait neuf et pour cause ; je ne cuisinais jamais, mon régime alimentaire presque entièrement constitué de ramen à réchauffer. Je n'étais pas une piètre cuisinière, loin de là, mais encore une fois, je ne trouvais pas de gain de temps à cuisiner pour moi toute seule, alors souvent je sortais au restau avec Prince ou alors je grignotais. Ma mère m'invitait souvent à venir manger à la maison et je repartais alors avec quelques restes ou des repas entiers pour la semaine.

KISS OF TIME - Dear Tomorrow - 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant