71. L'échelle de la douleur

930 199 72
                                    

ATHENA

Après l'accident,

Je me souvenais de la peur. Du moment où la voiture avait basculé sur plusieurs mètres avant que tout ne se fige dans un arrêt sur image impressionnant.

Je me souvenais du choc. Le sifflement dans mes oreilles, strident, m'empêchant de me rappeler ce qui venait de se passer. Un trou noir. La musique de l'autoradio et plus rien. Pas de flashs, pas de phares, juste le pare-soleil, juste les autres voitures en-dehors de la ville. Les arbres qui défilaient.

Je me souvenais de la douleur. Qui avait explosé en même temps qu'une odeur d'essence se propageait partout. Ma tête qui reposait contre mon épaule et une branche.

Je me souvenais de l'arbre. Du parebrise éclaté en un millier d'éclats. Des taches de sang sur mon jean.

Je me souvenais l'immobilité. La ceinture compressant ma poitrine, appuyant contre ma cage thoracique. On ne parlait jamais de ça. Des dégâts que pouvait causer l'élément censément vous sauvez la vie. Mon crâne pulsait. J'avais un goût de métal dans la bouche.

Je me souvenais de la chaleur. Pas celle coutumière de la Californie.

Je me souvenais de tout. Ou presque. Je n'avais pas vu ma vie défilée en un temps record. Je n'avais pas fait une introspection de mon existence.

Figée, une branche plantée dans l'épaule, aucune sensation dans le bas de mon corps, j'avais respiré l'odeur de l'essence jusqu'à en avoir envie de vomir.

Je me souvenais les larmes. Leur saveur plus douce venant apaiser le feu dans ma bouche.

Je me souvenais la soif. L'envie de sortir de là et de m'éloigner. Mes doigts cherchant à trouver le clip de la ceinture pour me détacher.

Je me souvenais des tremblements. Incontrôlables, qui empêchaient tout mouvement.

Je me souvenais du sang. De mon crâne qui pulsait de plus en plus fort. Et de ma conscience qui ne voulait pas s'éteindre.

Pas de bouton ON/OFF.

Je me souvenais du klaxon qui ne cessait de hurler autour de moi, compressé, quelque chose appuyant dessus.

Je me souvenais d'une voix. Qui m'appelait. Pas par mon prénom. De la portière presque arrachée. De doigts sur mon visage.

Je me souvenais du feu. De la peur panique à l'idée que tout n'explose. Du bruit d'un canif. Des flammes attaquant mes vêtements, s'insinuant jusqu'à ma peau.

Je me souvenais de mon hurlement lorsqu'on me bougea.

Après ça, tout fut flou, mais pas moins réel.

Le hurlement des sirènes. Une lumière vive venant heurter mes pupilles. D'un couinement.

De la douleur.

Encore et encore la douleur.

D'un homme tatoué. Un grand blond aux yeux inquiets, à la mine triste.

Et puis des visages penchés sur moi. Des voix, des questions. Des trous noirs. Des néons.

De la lumière. Beaucoup de lumière.

Et puis plus rien.

Le noir.

Plus de douleur.

Plus de voix ni de visages.

KISS OF TIME - Dear Tomorrow - 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant