18. Cœur en fuite

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ATHENA

Brackston reposa sa serviette sur la table, à côté de son assiette et leva une main pour appeler un serveur. Ce dernier arriva dans la seconde, un peu comme s'il avait attendu dans un coin que ce moment arrive. Dans ce genre d'endroit, personne ne commettait ne serait-ce qu'un faux pas ; pas quand la clientèle valait son pesant d'or et qu'il fallait chouchouter chaque personne. Moi, ça me barbait au plus haut point, mais je me devais d'être conciliante, surtout lorsqu'il s'agissait d'une invitation de dernière seconde de mon cher grand frère, appâté par les dernières photos où il avait dû me reconnaître. Brackston avait l'œil. Plus que moi en tout cas, parce que moi, j'aurais pu ne pas me reconnaître.

Mon frère chuchota un truc au serveur qui sourit avant de s'éloigner. Tout le monde semblait habituer à mon frère dans le coin. Il ne jouait pas au petit roi, ça jamais. Il n'était pas de cet acabit. Savoir ce qu'on voulait était une valeur selon lui, une valeur que nous ne partagions donc pas. J'avais conscience que la façon dont je parlais de Brackston pouvait faire penser que je ne l'appréciais pas outre mesure, mais j'adorais mon frère et d'une certaine façon, je le vénérais. Notre écart d'âge restait important et je n'avais donc pas passé mon enfance à jouer avec lui, bien au contraire. Mais il avait été présent et toujours à l'écoute, attentif à sa façon.

— Comment se passe le travail ? lui demandai-je, après avoir parlé de tout et de rien pendant presque deux heures.

— Les élections se rapprochent et il y a eu une fuite sur un gros projet qui nous tient à cœur.

— Horizon ? soufflai-je.

Il hocha la tête, fronçant les sourcils. Ses yeux semblaient fatigués et des rides creusaient des sillons au coin de ses paupières. Brackston aimait trop son travail pour penser lever le pied. Il se donnait à fond, parce qu'il visait un objectif bien précis. Et même si des obstacles barraient son chemin, il n'abandonnait pas. Parce que ce n'était pas dans sa nature profonde.

— Certains veulent s'en prêter le mérite, mais nous savons tous de qui vient l'idée.

Soren Moore.

— Un problème qui va se régler, donc ?

— Tout à fait. Je ne laisserais personne nous marcher dessus de la sorte.

Je lui souris et il vida son verre de vin d'une dernière gorgée, savourant la robe du breuvage sur son palais.

— Et toi, pas trop triste d'avoir dû abandonner tes journaux ?

Je levai les yeux au ciel avant de gonfler mes joues, comme une gamine quelque peu mécontente.

— J'aimais beaucoup mon travail, tu sais. Mais comme d'habitude, il a fallu que tu changes mes plans.

— Tes plans de carrière tu veux dire ? Il y a une évolution dans ce métier ?

— Pff. Ton gars a intérêt à gagner son élection, parce que je ne compte pas rester dans l'entreprise familiale toute ma vie.

— Qu'est-ce que tu dirais le temps d'un mandat ?

Il me fit un clin d'œil pour alléger les quelques rancœurs dont je n'arrivais pas totalement à me défaire. Je ne pouvais pas le détester pour les décisions qu'il prenait à ma place. Peut-être parce que je savais que malgré tout ça, il ne voulait rien d'autre que mon bonheur. Ou une connerie dans le genre. Brackston n'était pas très expansif dans ses sentiments, ne m'ayant dit qu'une seule fois qu'il m'aimait. Juste après son accident, quand j'avais repris connaissance dans une salle aseptisée de l'hôpital.

— Ou le temps d'arriver à la Maison Blanche ?

Je roulai des yeux en secouant la tête.

— Ne pousse pas trop ta chance. Toutes bonnes choses ont une fin.

KISS OF TIME - Dear Tomorrow - 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant