Nous survivrons..

Chapitre 19

« -Pardon ?
-Accordez moi une danse.
-Mais...je ne sais pas danser et vous l'avez dit vous même. J'ai pas envie de retourner là-bas. Peut être que pour tous ceux qui sont ici, cette situation est normale mais..mais pas pour moi ! Je sais ce que c'est la guerre et je ne peux pas rester de marbre après ce qu'il vient de passer ! Il y aurait pu avoir des victimes !
-D'accord...je peux comprendre. Mais sachez Emma qu'il n'est jamais rien arrivé, je suis là. Je ne laisserai personne s'en prendre à ma famille.
-Votre famille ?
-Tous ceux qui sont ici sont des membres de ma famille. Certains comptent même plus pour moi que les vrais membres du sang....je ne laisserai personne leur faire du mal. Et si on allait dehors ?
-Dehors ? Dehors vraiment ? A l'extérieur ?
-Et bien pas réellement, si vous pensez dehors à courir sur l'herbe fraîche non...mais c'est tout de même dehors.
-Oui, je veux bien. »

Le capitaine semble soudain gêné, ses yeux vont de gauche à droite, comme si il avait peur d'être espionné. Il n'arrête pas de passer sa main dans ses cheveux qu'il ébouriffe à chaud passage. Il triture ce petit bouton d'or sur sa manche comme il l'a fait la première fois que l'on s'est rencontré. Je le suis, jusqu'au 5ème étage. Je pensais que pour aller dehors nous passerions par le rez-de-chaussée mais soit. Je préfère ne pas poser de question et continuer tranquillement, je lui fais confiance sur ce coup là. Nous avançons jusqu'à la porte de la bibliothèque. La bibliothèque ? Décidément cette pièce regorge de secrets que seul le capitaine semble connaître. D'abord un salon privé puis maintenant un accès au monde extérieur. Il passe au fond. Lève la tête et un sourire bêta se fixe sur son visage.

« -On est arrivé.
-Pardon ? C'est l'étagère là qui est sensée m'amener à l'extérieur ? Vous vous moquez de moi et je commence franchement à en avoir marre ! »

Ce n'est pas la première fois. Le capitaine aime jouer avec mes nerfs, mes limites, voir jusqu'à où elles peuvent aller. Je suis à bout, après ce que vient de se passer je pensais que sortir me ferais le plus grand bien. Je m'apprête à tourner les talons lorsque:

« -Emma attendez. »

Il attrape un balais et tape fort au plafond. Une trappe s'ouvre et de grands escaliers se déploient. Un passage secret ? L'endroit semble sale et quelques toiles d'araignée sont un peu partout entre les marches. Néanmoins, je suis le capitaine qui a commencé à grimper. Une fois arrivé en haut, nous sommes nez à nez avec une autre porte que le capitaine s'empresse d'ouvrir. Mais il ne fait plus un pas.

« -Vous devez me jurer de ne rien dire. Je n'ai jamais amené personne ici. Je suis le seul à connaître l'existence de ce passage. Même Cameron n'est pas au courant. Vous êtes la première à qui je le montre alors, gardez ça secret.
-Je vous le promet. »

Il se retourne comme pour vérifier si je dis vrai. Ses grands yeux plongent dans les miens et je n'arrive plus à détacher mon regard. Après quelques secondes je me ressaisis et nous avançons ensemble. Je sors. Je suis dehors. Sur le toit du laboratoire. La vue est à couper le souffle. D'ici tout semble presque trop calme. L'air est frais malgré les relents de fumée et de mort qui se propagent depuis le commencement de la guerre. Je respire. Je prend une grande bouffe d'air. Sans m'en rendre compte je souris. Et le capitaine sourit aussi mais, il me sourit à moi. Il semble détendu, presque...heureux ?

« -Merci.
-Je ne comprend pas ?
-Merci pour tout. Je ne me suis pas rendue compte de la chance que j'avais d'être ici. Vous nous avez sauvés, soignés et maintenant vous prenez soin de nous alors que nous ne nous connaissons même pas. Vous m'emmenez ici, alors que je suis une sale petite merdeuse.
-Je ne le pensais pas E..
-Moi je le pense. Vous avez raison. Je suis qu'une sale garce alors que vous avez tout fait pour nous. Je n'ai pas montré un signe de reconnaissance. Alors, merci. »

Je lui souris aussi. Nous restons comme ça de longues minutes. J'ai toujours cherché à le détester. J'ai essayé de lui trouver tous les défauts du monde, je l'ai accusé de tous les crimes mais c'est moi la coupable. Je cherchais à ne pas m'approcher, rester à distance, encore et toujours plus loin. Je sais très bien pourquoi. Je le sais depuis le début. Je ne voulais pas l'admettre, et en même temps, comment admettre un fait de la sorte ? Comment admettre qu'il me fait penser à lui. Le capitaine me rappelle Lucas. Je le revois en lui. Différemment certes, mais c'est le même. Cette façon de vouloir protéger les autres, ce côté autoritaire, ce regard, son sourire...Je m'en veux. Je pense au capitaine comme à Lucas. Lucas qui a disparu depuis plus de deux semaines maintenant. Même trois, si on compte le semaine de coma dans laquelle on a était plongés. Pourtant c'est plus fort que moi, je cherche l'affection que j'ai perdue.

« -Vous vous rappelez ?
-Comment ?
-Vous me devez une danse. Et je ne lâcherai pas tant que vous n'aurez pas exaucé ma requête.
-J'accepte. »

Le vent balaye mes cheveux bouclés. Je n'avais pas encore remarqué mais le capitaine est très élégamment habillé ce soir. Il a troqué son costume militaire bleu marine pour un joli ensemble gris foncé. Ses cheveux, toujours en bataille sont légèrement tirés vers l'arrière, comme ceux de Cameron ce soir. Ses grands yeux brillent à la lueur de la lune. Je distingue de mieux en mieux sa blessure au fur et à mesure que je me rapproche de lui. Elle a cessé de saigner. Une fois assez près, il pose délicatement ses mains sur ma taille et moi, sur sa nuque. Je n'avais pas prévu de veste, et le vent est glacial ce soir, mais dans les bras du capitaine je me sens bien, au chaud. Nous commençons à danser, exactement comme ce matin et pourtant tout est différent.

« -Vous êtes resplendissante ce soir ! Céleste a fait un excellent travail.
-Je dois dire que vous aussi. Aussi bien vous que Cameron.
-Il...il va bien ? Je sais qu'il se montre fort mais ses attaques le traumatisent, il a, comme vous, passé quelques jours à l'extérieur avant que je ne le recueille ici. Sa mère est morte sous ses yeux et je...je m'en veux de ne pas avoir était là pour lui ce soir.
-Il va tres bien, ne vous inquiétez pas vraiment. Il est très courageux grâce...grâce à vous. »

Nous restons à danser ainsi de longues minutes, peut être même des heures, des années. Je ne vois même plus le temps passer quand nous arrêtons enfin. Nous nous asseyons sur le rebord du toit, les yeux dans le vide.

« -Vous en avez fait quoi ?
-De quoi ?
-De l'individu que vous avez arrêté tout à l'heure. Vous avez dis de l'emmener au sous sol..
-Il vaut mieux que vous ne vous en mêliez pas Emma. Ça peut-être dangereux. Nous avons fait le nécessaire, c'est tout ce que je peux vous dire. »

Je préfère ne pas me montrer trop insistante, c'est toujours quand les choses vont bien entre nous que je fais tout déraper; alors ce soir je décide de me taire. Les minutes passent. Je sens mon corps se rapprocher de celui du capitaine, ses doigts frôlent les miens. Mais bon sang qu'est-ce qu'il fabrique ?! Non ce n'est pas lui, c'est moi ! C'est moi qui cherche a être plus près ! Je me rapproche encore un peu plus. Si près que je peux voir les nuances de vert dans ses yeux en pleine obscurité. Il tourne doucement la tête vers moi, il me regarde. Non pas moi. Mes lèvres. Il fixe mes lèvres, je fixe les siennes. Je suis si proche que son souffle effleure mon visage. Sa bouches n'est qu'à 5 centimètres de la mienne. Je me rapproche encore. Non je ne peux pas putain ! Lucas !