HOT CHILI - saison 6 ✥ volume 2/2

S06 (vol 2) - EP 03 ✥ part II

Partie 2/3

Inutile de se débattre contre une poigne sans merci. À tous les coups, elle infligerait des bleus à sa peau. Rudy se promit de se venger d'un tel traitement une fois rodé en art martial. Qu'il y pense signifiait qu'il regagnait de l'emprise sur ses émotions, se dit-il, ironique.

Au lieu de descendre, son garde du corps le conduisit sur le toit du bâtiment. Comment il y eut accès, sachant les portes d'ordinaire verrouillées ? Mystère. La vue panoramique du domaine universitaire détourna Rudy de la question. Quand Blacky le tourna en direction de l'héliport en contrebas, sa peur reprit du galon.

— À quoi tu joues ?

— Regarde et affronte tes peurs, ordonna Mikael.

Un aéronef tatoué d'un grand « C » violet déposait son unique passager. Rudy crut reconnaître Stern Coppola. L'appareil s'éleva et prit la direction de Little-Balmer. Nombres d'étudiants du bâtiment Saphir résidaient dans les marinas luxueuses de l'île artificielle. De quoi justifier le choix d'un moyen de transport qui survolait la circulation dense de Balmer. Pour les bourgeois de la banlieue balmérienne, le réseau ferroviaire et métropolitain était sans doute un mythe. L'idée de se fondre dans la masse grouillante des usagers se déplaçant dans l'inconfort souterrain relevait de l'hérésie, quand on pouvait s'acheter le ciel. Cas de Regan qui vivait au manoir Leblanc, assez éloigné du cœur de la ville, à l'instar d'autres propriétés de la bourgeoisie.

De nouvelles hélices troublaient l'accalmie relative à la suite de l'éloignement des précédentes. L'héliport de Darney accueillait jusqu'à trois aéronefs en stationnement. Par souci de sécurité, ils étaient aiguillés depuis la tour de contrôle de l'université de façon à ne pas se côtoyer sur la piste. Rudy voulut s'en détourner, mais Mikael le lui interdit.

— Regarde !

Entravé, il ferma les yeux. Il les ferma fort, au point de marquer son visage de rides d'expression. Mais l'obscurité du déni ne dérobait pas son ouïe de la réalité. Rudy vendrait son âme pour un casque anti-bruit. Le cauchemar virait au supplice. Sa hantise de se retrouver esseulé finit de rogner les derniers pans de sa rationalité.

— Ne me laisse pas. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas...

Mikael dut tendre l'oreille pour saisir la litanie. Troublé par la détresse du garçon qui tremblait sous sa poigne, il s'entendit promettre :

— Je ne vais pas te laisser.

— Je serais sage, je promets. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas...

La respiration laborieuse, Rudy évoluait dans une réalité alternative, née du ventre du passé. Fermer les yeux en croyant fuir ses démons avait été la meilleure façon de les invoquer. Mikael le secoua.

— Rudy !

Rien n'y fit, tant la déconnexion était sévère. Rudy suppliait désormais :

— S'il te plaît, ne me laisse pas. S'il te plaît.

— Je reste avec toi, tu as ma parole, affirma Mikael.

Rudy aurait voulu gronder :

— C'est pas vrai ! T'es parti. Tu les as laissés m'emmener loin. Dans un hélico. Encore un autre hélico qui m'éloignait de toi...

Mais on l'éloignait de la barrière de protection du rebord. S'il se trouvait au sommet du bâtiment Saphir de l'université de Darney, alors il avait cessé d'être un petit garçon. Pourtant, il craignait toujours ces appareils.

— Partons d'ici, implora-t-il. Je t'en prie... quittons cet endroit.

Mikael s'adossa contre le mur d'un local dont la porte métallique un peu rouillée était verrouillée par un gros cadenas. Il entraîna Rudy dans son mouvement et s'assit au sol, puis le serra dans ses bras, songeur. La prise d'otage sur la place Blue Square ne semblait pas la seule cause de la réaction du garçon. Mais il n'était guère avancé. On lui avait appris à exploiter les peurs d'autrui, pas à en déterminer les origines. Or il avait le sentiment de tenir un enfant de cinq ans en pleurs. Il ne savait pas comment réagir avec les mômes. Malgré lui, il caressa la tignasse blonde, comme pour consoler un gosse effrayé par le croque-mitaine.