HOT CHILI - saison 6 ✥ volume 2/2

S06 (vol 2) - EP 05 ✥ part II

Partie 2/3

Délaissant le boulevard du 3 Mars – nommé d'après la fête nationale –, le trajet bifurqua sur la première avenue débouchant sur la place Rendall Bartholomew Leblanc. Le véhicule quitta la zone hotellière chic, et Regan songea que sans GPS, il peinerait à retrouver son chemin. Ils s'éloignaient du cœur de la ville, en direction du Centre Technopole de Balmer. Ils le traversèrent et atteignirent une zone industrielle clairsemée, où de larges bandes d'asphalte évoquaient du tarmac. S'aidant d'un badge, Mikael accéda à un parking sous-terrain.

— Remets tes lunettes et remonte le col de ta veste, ordonna-t-il à Rudy au moment de quitter le véhicule.

Rudy obéit de mauvaise grâce.

— Pourquoi je suis le seul à me camoufler ? Y'a personne dans ce parking.

Les voitures lui semblaient vides.

— On n'a pas eu notre visage placardé dans toute la ville, sur panneaux géants, nous, rappela Junior.

— Et on n'a pas non plus parasité les infos durant deux semaines, ajouta Mir. Fais-toi à l'idée.

— Ce n'est pas comme si je l'avais voulu.

— Arrête de bouder, tu as passé l'âge, soupira Regan.

Rudy l'aurait claqué. Son cousin saisissait une occasion de se venger de la manière dont il l'avait rabroué. Jusqu'ici, Rudy n'avait pas pris la mesure de l'impact de sa médiatisation sur le quotidien de l'habitant lambda. Parce qu'on l'avait maintenu dans un cocon pour le préserver et contenir son traumatisme. Seulement, la surprotection de ses proches ne lui rendait pas service. Le couper de la réalité entretenait sa naïveté.

— Assez joué les mystérieux, Blacky. Où sommes-nous ?

— Tu es sur le point de le découvrir, répondit Mikael en appelant l'ascenseur.

Au rez-de-chaussée, un homme ventru, la chevelure filasse et la bouche en cul de poule, occupait le bureau d'accueil. Rudy remarqua une tâche de gras sur sa chemise, et son col jauni de sueur. Une douche ne ferait pas de mal au pauvre hère. L'odeur de propre jouait beaucoup dans une première impression. Par égard pour son nez, Rudy recula d'un pas. Quand la nature ne vous gâtait pas, il était de votre devoir de prendre soin de vous ! Se négliger autant indiquait un manque d'estime de soi. Mikael présenta son badge. L'homme le toisa de façon peu aimable.

— Tous les quatre sont des élèves ? demanda-t-il sans un bonjour.

Ses yeux porcins s'attardèrent sur Rudy. Puis son scepticisme se déporta sur les autres. Rudy nota qu'il lui manquait une incisive. Pourtant, les dentistes accomplissaient des miracles de nos jours...

— Je m'rappelle pas d'une formation programmée pour aujourd'hui, postillonna Gras-du-bide. Avec un formateur de ton statut, j'veux dire.

Mikael s'accouda sur le plan d'accueil.

— On se rappelle quelque chose, pas « de » quelque chose, Harvey. Tu n'es pas habilité à poser ce genre de question à un « formateur de mon statut », Face-de-poulpe.

Voilà qui en disait long sur leur rapport. Blacky et Porky n'avaient pas gardé les cochons ensemble. Bien qu'humilié, le dénommé Harvey ne daigna pas s'irriter.

— Il va ranger ses crocs bien sagement, le doberman.

Il sortit cinq clés triangles d'un tiroir sous sa console, pianota de ses doigts boudinés sur cette dernière, puis grommela à l'intention des jeunes :

— Vos noms.

— Applique la procédure 4, dit Mikael. (Il s'empara des clés posées à côté de la souris.) Ils ont passé l'âge minimum pour le permis étudiant et ont tous l'âge requis pour une licence privée. Je remplirai les formalités à la fin, le temps m'est compté. Mais je vais épargner dix secondes de ce précieux temps pour t'informer que le parfum de gras des potatoes d'Uncle Bro n'est pas sensuel. Tu devrais changer de parfumeur, Harvey. À moins que le diabète figure dans ta bucket list. Remarque, contrairement au reste, le diabète te restera fidèle. Tu es la première image que les gens se font de l'endroit. Soigne ta présentation en conséquence.