Chapitre 19

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Les fantômes du passé

Le jour se leva sur les terres de l'Est, comme une faible lueur sur l'ombre qui se rapprochait jour après jour. L'atmosphère était glaciale, et les premières neiges étaient tombées durant la nuit.

Thranduil n'avait pas fermé l'œil de la nuit comme bien souvent depuis des mois, depuis que la nouvelle de la défaite de la porte noire lui était parvenue. Ce sombre jour qui avait plongé l'avenir de la Terre du Milieu dans les limbes de l'incertitude la plus totale. Le roi des elfes de la Forêt noire avait regardé les flocons tombés une grande partie de la nuit, son esprit submergé par des souvenirs d'une lointaine vie, une vie qui lui avait donné son royaume et son peuple, mais qui lui avait volé son père Oropher lors de la première guerre de l'anneau.

Quand le jour se leva il se mit à parcourir sa tente tout en regardant les nombreuses cartes des environs qui trônaient sur son bureau. L'ennemi pouvait aisément venir de tous les côtés, et il serait très difficile de résister très longtemps, maintenant que Sauron avait récupéré toute l'entendue de sa puissance.

S'en était désespérant. Car si son armée connaissait déjà le terrain, elle était plus que réduite. A peine mille elfes avaient survécu avec lui, en comptant les elfes non-soldats qui étaient encore en vie, et en état de combattre. Seuls les très jeunes elfes seraient laissés en arrière avec les jeunes enfants des hommes de Dale.

Une dernière bataille.

-Tu réussiras, murmura une voix.

Brusquement Thranduil se retourna vers la voix, mais il n'y avait personne, et la tente était vide et le silence régnait. L'elfe pouvait sentir son cœur battre à toute allure dans sa poitrine. Cette voix. Cette voix douce, et si particulière il ne la connaissait que trop bien. Evranï. Son amour. Celle qui lui avait donné ses deux beaux enfants, Tilaé et Legolas. Cette femme qu'il avait soudainement perdue, lors d'une journée qui l'avait mit à terre.

-Mon amour ? demanda Thranduil le cœur battant.

L'oreille tendue il attendit, attentif au moindre son, mais seul le silence lui répondit.

-Est-ce mon esprit qui me joue des tours ? demanda Thranduil à voix haute.

Pour toute réponse une brise s'engouffra dans la tente du roi avant de mourir aussi vite qu'elle était née. Thranduil soupira, puis il alla s'asseoir à la table de bois sur laquelle étaient disposées de multiples cartes. Il tenta de les regarder à nouveau, mais rien n'y faisait. L'esprit embrumé il posa la carte qu'il tenait dans sa main gauche, et il se prit le visage dans ses mains.

Soudain le roi se leva et sorti de sa tente, retrouvant l'air glacial de cette ville qu'il commençait à connaître. Dehors, la neige avait cessée, et recouvrait désormais les alentours. Sans réfléchir il marcha vers la partie animée de la ville, tout près de son campement.

Thranduil arpentait les rues de Dale, bouillonnantes de vie, la peur n'avait pas encore pris le dessus sur la population. Nul n'aurait pu deviner que bien des vies avaient été perdues ici, avalées par une armée venue des tréfonds de la terre.

Soixante ans avaient passé, et si pour les hommes le temps faisait son œuvre et guérissait leurs blessures, pour les elfes c'était toute autre chose. Le temps n'avait aucune emprise sur les souvenirs des belles gens, ils restaient vivaces dans leur esprit car aucuns de ces témoins ne pouvait disparaître vraiment, à moins qu'ils ne partent en Valinor.

Les hommes oublient, les elfes non. Jamais.

La douleur des hommes se dilue avec le temps, les siècles et les millénaires, générations après générations, tandis que les elfes portent en eux le lourd fardeau de leurs maux éternels.

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