Chapitre 21

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Songes d'un long hiver

Le monde semblait tomber. Chaque jour une peu plus il basculait dans une obscurité crasse et inquiétante. Comme un monde mort, dont l'air vitale se rarifiait en même temps que le froid devenait de plus en plus mordant.

La mort d'Eowyn avait resonnée comme un avertissement pour le groupe de marcheur, et personne désormais n'était à l'abri. Qu'ils fussent issus d'une lignée autrefois bénie d'une longue vie, ou qu'ils fussent immortels, la mort pouvait surgir devant eux à chaque instant, à chaque pas.

Plus les jours passaient, et plus leur fardeau respectif leur semblait peser sur leurs épaules.

Faramir marchait la mine base. L'âme en peine il suivait ses compagnons d'infortune, que la tristesse suivait eux aussi à la trace. Cette souffrance qui vous étreint au plus profond de vous-même, et dont personne ne pourra jamais se faire une idée sans la vivre à son tour.

De même que son chagrin, un songe le poursuivait chaque nuit, étrange et si réel.

Il arpentait sans relâche une pente raide, jonchée de tortueuses racines entrelacées, elle se parait de pierres parfois glissantes çà et là.

Les arbres autour de lui, sur le frêle chemin de terre, paraissaient presque menaçants tant leurs ramures étaient hautes.

Personne n'avait jamais entendue parler de cette étendue boisée si près de Fornost, elle était presque apparue comme par enchantement, comme ça au milieu de sa route à travers la plaine désolée face à lui.

Comme un refuge. Ou un piège.

Ses compagnons de voyage étaient absents mais il ne s'en inquiéta pas. Il devait continuer à mettre un pied devant l'autre, sans s'arrêter, et atteindre le sommet. Son souffle était saccadé, sa gorge douloureuse, et ses jambes lourdes, mais il avançait toujours tant bien que mal, trébuchant par moment, mais se relevant à chaque fois.

Alors que le jour n'était plus, il s'arrêta, la gorge brûlante et la bouche sèche, prendre une gorgée d'eau. Sa respiration se calma petit à petit, et adosser à un arbre, Faramir leva la tête vers les hautes silhouettes sombres des pins devant lui. Les étoiles au-dessus de lui étaient voilées, et leur éclat était terne, comme pour montrer la faiblesse de l'espoir et le moral du monde.

Le cœur du gondorien était alourdit par la lassitude et la douleur après tout ce qu'il avait vécu, la perte de Boromir son frère adoré, le rejet de son père Denethor, mort lui aussi, son dénigrement et son rabaissement sans cesse, la perte d'Osgiliath, sa blessure, le bûché de la folie de son père, son sauvetage grâce à Gandalf et Pippin, sa convalescence, puis sa rencontre avec Eowyn. Un sursaut de bonheur avant que la vague noire ne déferle toute entière, amenant avec elle des créatures hideuses sorties tout droit des tréfonds des enfers, avec pour un seul but la destruction de tout ce qu'il peut y avoir sur leur chemin.

Durant des mois Faramir s'était raccroché à l'espoir que leur périple ne serait pas vint, aux prisonniers de Minas Tirith, mais surtout à Eowyn qui jamais n'avait baissé les bras.

Aujourd'hui elle n'était plus de ce monde et Faramir était brisé.

Une fois au sommet, l'air lui fouetta le visage. Au loin il pouvait voir les reflets d'argent de la bulle de protection de la comté qui étincelait à la lumière des rayons du soleil qui sortaient de cette parenthèse dégagée dans le ciel gris.

Une année passa ainsi, à travers les saisons, comme hors du temps. Plus rien n'avait d'importance. Le cœur un peu moins lourd le Gondorien expira à main poumon. Une main pâle vint se glisser dans la sienne sans mot dire. Faramir sourit à ce contact depuis trop longtemps oublié. Son cœur avait tant saigné, mais aujourd'hui la lumière était de retour. Alors qu'il ne s'y attendait pas, et qu'il n'y croyait plus, une étincelle était apparue dans son existence, née de deux intenses souffrances, elle avait pourtant fait sa place dans l'obscurité.

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