Ombrage

6

Janvier 2019

Trois semaines sont passées depuis que j'ai fuis cette fille comme si elle avait la peste, la laissant totalement perdue, à moitié nue dans son lit. Et cette fille, c'est bien Lola. Évidemment elle a pas cherché à comprendre ou à me rappeler. Elle m'a seulement laisser un message dans lequel elle me demandait de la rappeler si l'envie de repasser du bon temps avec elle revient car on est des, je cite : "sacrés bon partenaires de jeu." Bon, elle a pas tord, c'est le feu au lit avec elle. Mais je crois que cette énième fois où c'est arrivé j'ai réalisé que je perds mon temps, que je suis pas avec celle avec qui j'ai réellement besoin d'être. Et ce sentiment m'oppresse et me rend mal à l'aise.

Alors j'y arrive pas, je suis obsédé par Séléné, les gars me disent de laisser le temps faire son job, que c'est comme ça que je l'oublierai et passerai à autre chose... Mais je peux pas. J'ai l'impression de la voir partout, je sens son parfum à n'importe quel moment, des fois j'ai même l'impression de sentir ses mains venir glisser sur mon torse pendant que je suis sous le jet d'eau d'la douche. Et je me retourne comme un bouffon comme si j'espérais voir apparaître son corps nu devant ma pomme, pour finalement venir la sentir se lover contre moi.

Après tout l'espoir fait vivre d'un sens.

Mais là, l'espoir me fait surtout tourner en rond au point que je ne sors que très peu, passant mon temps à tourner en rond pour élaborer un plan. Un plan pour la revoir. Mes souvenirs avec elle vont me rendre barge si je ne m'explique pas pour de bon avec elle. Alors c'est ce que je cherche avec elle, lui parler. Disons que j'ai revu mes exigences à la baisse. Il est clair qu'elle ne m'aurait jamais laissé coucher avec elle en signe d'adieu, elle connaît mon côté écrivain romantique qui idéalise un rien, alors elle m'aurait fermé la porte au nez face à cette facette de mon comportement qu'elle m'a déjà dit détester.

Mais elle a dit la détester avec un sourire sur les lèvres, me laissant persuader qu'au fond elle l'adore, ce côté douteux de ma personnalité.

Pour en revenir à mon besoin de m'expliquer avec elle, j'y ai alors réfléchi longuement, repassant en boucle tous mes souvenirs avec elle pour essayer de savoir si elle m'avait déjà dit où elle bosse ou un endroit dans lequel elle aime se rendre pour aller la rejoindre là-bas sans qu'elle ne s'y attende et enfin avoir des foutues réponses. Ou simplement lui faire une sorte d'adieu un peu plus cordial que ceux qu'on a été obligés d'avoir par son foutu mec.

Et d'un coup ça me revient : animatrice dans une école primaire.

Elle me l'avait dit un jour où elle s'est ramenée chez moi sans prévenir, quand je lui ai demandé pourquoi elle était là alors qu'elle vit à l'opposé de Paname, autant dire dans le Nord de la ville. Elle m'avait avoué bosser à quelques rues de chez moi. Et c'était d'ailleurs grâce à ça qu'on s'était rencontrés comme je marchais dans la rue un soir et que j'avais eu un coup de coeur pour elle. Je l'avais compris tardivement qu'elle était présente aux alentours de 23h, autant dire plusieurs heures après la fin de son travail car cette fille n'a pas de sens. Elle fonctionne à l'instinct et aux envies, se laissant vivre et poussée par ça. Ça aussi, c'est un truc qui me fascine chez elle. On s'était alors observé longuement, ou plutôt, je l'avais observé longuement, mais au fond de moi je reste persuadé qu'elle avait conscience de mon regard sur elle. Elle assise sur un banc et moi debout comme un con, les mains dans les poches à l'observer en m'inventant trois tonne six de films, comme a ma fidèle habitude. Alors finalement, en voyant que ses iris de s'étaient collés un instant aux miens durant quelques secondes, ça a suffit à me faire porter mes couilles comme dirait mes reufs. Et alors je suis allé me poser à ses côtés le plus gentiment possible et sans lourdeur lui demander si elle souhaitait aller boire un verre avec moi. Histoire de passer un moment ensemble car elle me paressait profondément intéressante. Et je ne mettais pas trompé.