Leurs voitures sont là.
Bon. Inspire, expire. Tout va bien se passer. N'est-ce pas ? De toute façon je n'ai plus le choix, je ne vais quand même pas rester plantée là, de toute façon la maison m'ouvre déjà grand les bras, cette fois pas pour me réconforter après une journée éprouvante mais pour m'attirer encore plus au fond du trou. Je les vois déjà, les vitraux dont les angles paraissent particulièrement tranchants, les murs dont chaque pierre semble se languir de me frapper, et la lourde porte en bois dont les échardes sont à l'affut d'une quelque once de peau à transpercer. Tout dans cet endroit d'ordinaire si accueillant devient terrifiant dès lors qu'une voiture est parquée devant.
Malgré tout, puisque j'y suis obligée, je me laisse tomber dans cet entrelacs de tentacules menaçants, dans ce piège qui se referme sur moi. Je referme la lourde porte en bois avec mille précautions, espérant être assez silencieuse pour ne pas me faire remarquer. En me retournant je tombe nez à nez avec Hercule, l'un des majordomes, me faisant frôler la crise cardiaque. Il semble m'attendre de pied ferme depuis un bon moment, si bien que je me sens forcée de m'excuser.
- Ce n'est pas de votre faute s'il y a des déviations pour travaux. Mr.Châtelet vous attend dans son bureau Mademoiselle. Dois-je vous accompagner ?
- Non ça ira Hercule. Reposez-vous, plutôt.
Il s'éloigne d'un pas lent. Sa vie n'est pas facile depuis que mon père l'a engagé, lui qui pensait rester environ un an s'est retrouvé pris au piège dans un contrat à vie après avoir été manipulé par son puissant employeur. Il vit dans une dépendance dans le jardin depuis la naissance de Victor avec les quelques autres employés qui sont ici trop souvent pour avoir leur propre maison. Quand mes parents sont en déplacements ou, très rarement, que toute la famille part en vacances, mes parents leur laissent gracieusement le choix. Certains passent ces quelques jours de répit chez leurs proches, d'autres sont restés coupés du monde trop longtemps pour en avoir. Parfois tous ces employés qui vont et viennent dans la maison me font pitié, alors j'essaie d'éviter que je contribue à cette mascarade d'esclavage moderne, quoique ceux-là vivent dans un certain luxe.
Sans plus m'attarder sur cette réflexion quelque peu dérangeante, j'examine la salle d'attente avant d'atteindre le bureau de Mr.Châtelet, mon cher père. Les quelques chaises soigneusement disposées dans la salle pas plus grande qu'un dressing ont accueilli de prestigieux fessiers. Je dois avouer que le jour où j'ai vu le président en personne déambuler dans ma maison, je n'ai pas su comment réagir alors j'ai préféré me cacher. Malgré tout, les sièges immaculés et bien alignés paraissent neufs, comme si les courageux qui se sont aventurés dans cette salle avaient été trop stressés pour s'asseoir. La porte se fait remarquer puisque, au contraire, rien n'a été fait pour cacher les marques du temps et de l'usure, sans doute pour inspirer le respect, pour montrer qu'on n'a pas affaire à un débutant. En revanche, c'est bien ce qu'il est pour le domaine dans lequel je vais le voir : l'éducation.
Après une longue inspiration, je me résigne enfin à toquer à cette porte dont la peinture blanche écaillée me rappelle les murs du lycée. Après une rapide approbation de mon puissant géniteur, j'entrouvre timidement la porte. A ma grande surprise, ma mère est là aussi même si, et je m'y attendais, elle n'écoute qu'à moitié, accaparée par son ordinateur.
- Comment vont les affaires ?
- Parfaitement bien, comme d'habitude, mais là n'est pas le sujet.
Je hoche la tête silencieusement et attends qu'il reprenne. Je n'ai pas le droit à l'erreur.
- Comment se passe le lycée ? Tu réussis bien ? Tu sais que tu dois être première de ta classe. Tes professeurs nous ont dit que tu t'étais fait des amis alors ne te laisse pas trop envahir. Il n'empêche que nous avons dû te transmettre un bon sens logique. Je dois admettre que te lier d'amitié avec ce garçon pour te faire élire déléguée est particulièrement astucieux. Tu sais comme il est important pour nous que tu sois supérieure hiérarchiquement à tes camarades.
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Nos cœurs capricieux
RandomEvan est un adolescent normal. Il a des rêves plein la tête, des tonnes d'amis, et le mental d'acier qu'il garde sur le terrain de basket lui promet un brillant avenir. Jusqu'à ce qu'il n'en ait plus. Après deux jours à l'hôpital, Evan s'ennuie plus...