Chapitre 9

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 - Hey Evan ! Comment tu vas ?

Sérieux ? Il sait très bien que je ne suis jamais de bonne humeur depuis que je suis à l'hôpital.

 - Tu poses sincèrement la question ?

Mince ! Je ne peux pas dire que je suis triste alors qu'il vient à peine de traverser quelque chose de dix fois pire et qu'il respire la joie de vivre.

 - Je vais très bien.

 - Et en version honnête ?

 - Mais je suis honnête ! Bon, tu m'expliques qui est cette fille ? C'est ta ...

Mais je suis vraiment débile ! J'ai failli blaguer en disant que cette fille est sa petite amie. Quel boulet !

 - C'est ta nouvelle colocataire de chambre ? Je croyais qu'ils ne mixaient pas fille et garçon.

 - Et tu as raison, ce serait trop gênant. Adina était seule à la salle de sport et je me suis dit qu'elle aura besoin d'un ami. C'est trop chiant de faire du sport tout seul. 

Adina esquisse un signe de la main, dans une timidité qui semble lui être inhabituelle. Elle doit avoir entre 15 et 16 ans à vue de nez. Elle est plutôt grande et mince. Quelques égratignures et une cicatrice lui barrent le visage. Peut-être qu'elle est ici parce qu'elle s'est battue trop violemment. Si c'est le cas, elle a l'air plutôt en forme : sa peau métissée de rouge n'est pas pâle et, à part ces blessures au visage, aucun traumatisme n'est visible. En constatant ça, je me rends compte que l'état de clément semble s'être dégradé.

Nous commençons à discuter et j'évite plusieurs fois de justesse de faire une gaffe par rapport à Anne-Lise, rendant la discussion plus gênante à chaque fois. Le souvenir de toute cette histoire me rend très tendu, occasionnant des regards interrogateurs de la part de Clément. Brisant ce silence gênant, mon téléphone vibre. Pour une fois que j'aime que ma mère soit trop ...

C'est Nadal !

Fou de joie, j'ouvre son message.

"Peux pas venir dsl"

Ok ... Il a peut-être un empêchement dont il ne veut pas parler ? De toute façon Lassana pourra.

"Lassana non plus peut pas"

 - Evan tu vas bien ? T'as l'air ... Bizarre.

 - Tout  va bien c'est juste ...

Avant que je ne puisse finir ma phrase, Adina me prend mon téléphone des mains et lit les derniers messages.

 - Il s'est fait larguer par ses potes. J'aime bien leurs prénoms d'ailleurs.

Clément et moi la regardons, surpris. Elle a l'air complètement sereine, à l'aise avec le fait de violer l'intimité des gens. Enfin, si on peut dire qu'on a toujours de l'intimité après deux semaines à l'hôpital à se faire analyser dans tous les sens. Mais n'empêche, c'était vraiment osé !

 - Quoi ? J'aime pas les fragiles.

J'avais bien raison de penser qu'Adina n'était pas aussi timide qu'elle voulait qu'on le croie.

 - Bon sinon, c'est quoi le malaise entre vous deux ? Parce que ça commence à me gonfler. 

J'essaie de répondre mais je n'ai même pas le temps.

 - Evan si c'est à cause d'Anne-Lise ne t'inquiète pas, on peut en parler librement. Elle ne voudrait pas que sa ... Que tout ça ait un incident sur ma vie

 - Désolé.

Je me sens comme un enfant pris en flagrant délit, honteux de ne pas avoir su faire comme si de rien n'était. C'est peut-être plus facile pour Clément, qui est mourant depuis le début de sa vie, ça ne doit sûrement pas être la première de ses connaissance qui meurt. Moi, à part mon chien et mon arrière-grand-père quand j'étais tout petit, je n'ai jamais eu à enterrer un proche. Rien que l'idée de perdre une de mes petites amies pour lesquelles je ne ressens rien m'est insupportable, alors une fille qu'il aimait ! Je ne sais pas comment il fait ...

 - Pour briser ce silence gênant, recommence Adina, je propose un tour de table de ce qui nous amène ici.

Cette fille est vraiment bizarre. Je veux dire, en soi ça passe mais c'est le sourire gigantesque qu'elle affiche qui est malsain, comme si, à ses yeux, être à l'hôpital était une bonne chose. Malgré tout elle est plutôt sympa et elle sait détendre l'atmosphère. Elle a même réussi à me faire oublier l'inconnue qui m'obnubilait jusqu'ici.
Un peu.

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C'est l'heure de l'endoscopie bronchique. Je n'ai pas mangé depuis 8 heures mais ça ne fait que deux heures de plus que d'habitude et j'ai à peine faim. Si mon ventre me fait mal, c'est parce que je stresse. Je ne sais pas du tout comment l'examen va se passer tout ça parce que je déteste trop mon médecin pour lui demander. Peut-être que ma mère en sait plus sauf qu'elle a encore du travail. Je ne comprends pas ce qui lui prend tant de temps un samedi vu qu'elle n'a pas de cours à donner. Ce serait un peu égoïste de lui demander de travailler plus tard juste pour rester avec moi.Peut-être que l'infirmière qui s'occupera de moi m'expliquera.

 - S'il vous plait expliquez-moi comment ça va se passer !

L'infirmier venu me chercher me regarde avec de grands yeux. C'est vrai qu'à peine il a ouvert la porte, j'ai débité ma phrase avec une panique probablement communicative. Une fois qu'il a compris que je suis inoffensif, il se détend, me fait signe de m'allonger sur les lit métallique au matelas inconfortable et se met en route.

 - Je m'appelle Yasu, je suis interne ici. Puisque tu sembles te poser tant de questions, je vais t'expliquer la procédure étape par étape. De toute façon on doit traverser tout l'hôpital alors on n'a rien de mieux à faire. 

Je hoche la tête, satisfait, et attends la suite.

 - On va te faire une endoscopie bronchiale, l'examen en lui-même consiste à insérer un tube flexible d'environ un centimètre de diamètre par ta bouche pour explorer tes bronches et tes bronchioles. Au bout du tube il y aura une caméra pour que les médecins puissent se repérer dans ton système respiratoire. Une fois qu'on aura atteint la tumeur, on en prélèvera un bout pour l'analyser et voir si elle est maligne. Dit comme ça on dirait que ça va être très douloureux mais tu seras sous anesthésie générale et on te donnera un produit pour limiter les douleurs après l'opération.

Je reste silencieux, assimilant lentement la procédure. En soi, je suis presque sûr que ce test va montrer que ce n'est qu'une ... Boule de graisse ? Bref, que ce n'est pas un cancer parce que je me sens super bien. Le reste du trajet se passe en silence. Lorsqu'on arrive au bloc opératoire, on me donne le fameux produit pour réduire les douleurs. Certains des médecins qui s'agitent autour de moi se présentent. Je retiens surtout Domitille, l'anesthésiste, qui me place un masque sur le visage et compte à rebours à partir de dix.

A cinq, je suis endormi.

Nos cœurs capricieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant