Chapitre 19

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- J'ai enfin obtenu l'autorisation de tous mes médecins pour faire l'opération.

- C'est quand ?

- Demain matin.

- C'est complètement inconscient.

Depuis que Clément a annoncé rien que l'idée de son opération, Siam est révoltée.

- C'est de l'inconscience totale ! Encore si c'était pour te greffer des poumons d'accords, parce que ça faciliterait tout dans ta vie, mais là les risques sont trop élevés pour une opération si peu importante.

- Non mais Siam ...

- Non ! J'ai fait des recherches ...

- Sans surprise.

- Et je vous assure que cette opération est une très mauvaise idée.

- Siam, écoute moi. Les médecins ont jugé que mes chances de survie étaient plus grandes en faisant cette opération.

- C'est révoltant ...

Je préfère ne pas prendre part au débat, admettre que je suis du même avis que Siam n'arrangerait rien. Moi je pense que c'est sa vie et les médecins en savent plus que nous tous réunis.

- Bon moi je dois y aller, mon père vient me voir aujourd'hui.

- Encore ?

- Oui, il vient tous les jours mais j'ai aucune envie de lui parler.

Adina ne fait pas de commentaire, je crois que c'est sa façon de montrer sa compassion. En attendant je n'ai pas eu de nouvelles de ma mère depuis un mois, et même si l'homme avec lequel je parle tous les jours et qui se prétend être mon père me dit qu'elle va bien, j'aimerais la voir.

- Salut fiston, comment tu vas aujourd'hui ?

- Ne m'appelle pas comme ça. Tu m'as peut-être donné ton ADN mais tu ne seras jamais mon père.

- Ce n'est pas une manière de parler à ton père.

- Et en plus tu te permets de me faire la leçon ? Tu aurais eu le droit de m'éduquer si tu ne t'étais pas barré à la seconde où tu as su que maman était enceinte.

- Tout le monde fait des erreurs et j'avais des obligations ailleurs.

- Quelles obligations, hein ? Tu devais peut-être rester dans un sous-marin sans aucun contact extérieur pendant 17 ans ? Parce que c'est la seule excuse valable pour ne jamais avoir donné de signe de vie, n'est-ce pas ?

- Je ne voulais pas rappeler le passé à ta mère, elle ne l'aurait pas supporté.

- Ma mère est un million de fois plus forte que toi. Tu n'es qu'un lâche !

- Dire que je venais pour te donner une bonne nouvelle ...

- Tu n'as jamais rien apporté de bon.

- Ne parle pas comme ça devant ta petite sœur.

Oh non. C'est tout sauf le moment. Je suis trop gaga des enfants pour rester concentré sur mon père. Je ne peux pas crier sur quelqu'un en même temps que de jouer avec ...

L'être le plus mignon de la Terre. C'est la seule manière de décrire la petite fille d'environ cinq ans qui sort de sa cachette derrière les jambes de mon géniteur.

- J'aimerais éviter de tout rater avec elle comme je l'ai malheureusement fait avec toi.

La petite brunette, qui dépasse à peine mes genoux, se rapproche de moi. On a exactement les mêmes yeux, ma mère m'a toujours dit que je les tenais de mon père.

- Beurk, lâche Adina en entrant. Je passais juste pour voir si tu voulais que je mette une bonne baffe à ton père mais il va falloir virer cette ... Ce truc.

- Je ne sais pas qui vous êtes mais vous savez un jour ou l'autre vous aurez des enfants. C'est votre rôle de femme.

- Connard. Rien ne m'y oblige.

- C'était super sexiste.

Mon père nous regarde comme deux extraterrestres. Il s'est cru dans les années soixante ou quoi ?

- Bon, je crois que je ne suis plus le bienvenu. Viens Ines, on s'en va.

Comme s'il avait un jour été le bienvenu.

- Juste parce que j'estime que tu as le droit de le savoir, sache que tu avais aussi un petit frère. Il était traité ici pour une malformation du cœur, c'est comme ça que j'ai revu ta mère. J'aurais aimé te le présenter mais il est mort quelques jours avant notre rencontre.

Il part après avoir versé une larme qui, pour la première fois depuis que je le connais, me fait ressentir de la compassion pour mon père. C'est alors que je fais le lien avec le Docteur Cox. Si mon frère était traité ici pour un problème au cœur, et en plus le dessin qui n'était plus sur le mur pile au moment dont mon père parle ... Nos chemins se sont croisés.

- Je suppose que tu as deviné que la vue de ces petites créatures crasseuses et bruyante m'est insupportable ? commence Adina après une bonne minute de silence.

Je hoche la tête alors que Siam et Clément entrent à leur tour.

- On est partis en même temps qu'Adina pour l'empêcher de faire trop de dégâts mais aucun de nous ne peut courir, contrairement à elle. Sachez qu'on a croisé une petite fille à croquer sur le chemin, j'en suis encore sous le choc. Ton père n'est pas encore arrivé ?

- La petite fille c'est ma sœur.

- Les Malheurs de chouineur, épisode deux.

- Adina, tais-toi pour une fois. J'ai besoin d'être seul, je vous expliquerai plus tard.

J'ai juste envie de pleurer. J'imagine mon frère à peine plus âgé qu'Ines, j'essaie de dessiner ses traits imaginaires, son caractère. De si jeunes enfants ne devraient pas mourir. Ce n'est pas juste.

***

- Siam ? Qu'est-ce que tu fais là ? C'est carrément à l'opposé de ta chambre.

- J'ai juste besoin de marcher. Et je sais que je suis censée être dans ma chambre pour manger dans ... Il y a quatre minutes, mais je ne suis pas d'humeur pour une leçon.

- Moi non plus, ça tombe bien. Je peux marcher avec toi ?

Elle hoche la tête et on déambule simplement dans tout l'hôpital, main dans la main, dans le silence le plus total. Je laisse simplement mes pensées déferler dans ma tête, je me fatiguerai à les ordonner plus tard.

- Ah Siam tu es là ! Les toubibs sont énervés, ramène-toi. Salut Evan.

Je me sens encore plus seul maintenant que ma partenaire de déprime n'est plus là. Je ferais mieux de retourner dans ma chambre avant de rater un traitement.

Le vide m'assaille, il m'entoure et m'oppresse jusqu'à me faire suffoquer. Tout autour de moi est cotonneux et flou, comme si je passais d'une réalité à une autre constamment.

- Tout va bien chouineur ?

- Oui.

Nos cœurs capricieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant