Chapitre 12

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Mes pensées sont brumeuses, comme si je me réveillais après une nuit trop courte. Je reprends lentement conscience, me concentrant sur mon environnement. De l'autre côté de mes paupières closes règne une lumière tamisée, la pièce n'est sûrement éclairée que d'une lampe de chevet. Des discutions vont et viennent, si discrètes que je les entends probablement à travers un mur.
J'ai surtout très peur en me rendant compte que je perçois surtout le bip régulier d'un moniteur, l'odeur d'antiseptique ambiante, me laissant penser que je suis à l'hôpital.

"C'est juste un cauchemar, rien de plus. Je vais me réveiller d'une seconde à l'autre."

Le cliquetis typique d'une porte qui s'ouvre ainsi que le bruit de pas confiants m'indique que quelqu'un vient d'entrer dans la pièce. Je garde les yeux fermés, je ne veux pas qu'on sache que je suis réveillée. Je suis bien là, au chaud, allongée dans un matelas très rembourré.

- Re-bonsoir. J'ai été automatiquement averti que le rythme cérébral de Siam et passé de Thêta, qui traduit un état de sommeil, à Alpha, ce qui veut dire qu'elle est réveillée.

L'homme qui vient de parler, sûrement un médecin, pose sa main glaciale sur mon épaule et la secoue, faisant remonter un frisson le long de mon dos. J'ouvre timidement les yeux, effrayée d'affronter la réalité.
Confirmant mes craintes, j'aperçois le moniteur sur lequel apparaissent tous mes signes vitaux. En me redressant lentement, je constate que mes parents eux-mêmes sont présents. Je ne sais pas pourquoi je suis ici, mais ça doit être un cas de force majeure pour que les deux soient là.
C'est vrai ça, d'ailleurs. Pourquoi je suis ici ? J'ai beau regarder, je ne vois pas de blessure apparente, je n'ai mal nulle part. Si la psy m'avait fait hospitaliser, je m'en souviendrais.

- Est-ce qu'on pourrait être seuls avec elle, s'il-vous-plait ?

- Bien sûr, je m'en vais.

A ces mots, il sort de la chambre. Alors que je le supplie mentalement de faire demi-tour, de ne pas me laisser seule avec mes parents, mon père s'accroupit à côté du lit d'hôpital.

- Idiote ! Tu avais gagné, tu étais sortie d'affaire. Pas d'hôpital, youpi ! Quelle stupidité, toi qui avais tout bien orchestré. Tu t'es évanouie à peine sortie de chez ta psy. Tu en changeras d'ailleurs, elle n'est pas assez compétente.

Comprendre "elle ne coûte pas assez cher".

- Mais de toute façon, on a le temps. Ils ont décidé de te garder ici, tu es trop maigre. Un vrai squelette !

L'annonce fait l'effet d'une bombe dans mon crâne. Rester ici ? à l'hôpital ? Mais pourquoi ? Le moniteur s'affole, les battements de me cœur se sont dangereusement rapprochés.

- Tu as vraiment tout perdu, hein. Tout ton petit plan s'est effondré. Tu te retrouves dans un endroit où il y aura toujours quelqu'un pour te regarder, te surveiller, t'espionner. Tu ne peux pas te cacher, ici. Quand, comment vas-tu bien pouvoir retirer ton masque ? Tu n'es rien de plus qu'une manipulatrice. Et même si, tout le monde ici la sait, c'est ton pire cauchemar, tu finiras comme nous. Vénale, menteuse, tricheuse. Voilà qui tu seras. Notre copie conforme.

Il se lève, indifférent à la larme qui glisse sur ma joue, à me poils qui se sont dressés de stupeur, d'effroi.

- J'ai mieux à faire que de rester avec la rature qui me sert de fille. On s'en va.

Ils partent, me laissant seule avec mes pensées. Mon père n'a pas tort, techniquement. Je suis une manipulatrice. Je ne suis amie avec Titouan que pour plaire à mes parents, que pour avoir des amis par procuration. Et je mens à ma psy, souvent en plus. Tout ça pour ne pas finir à l'hôpital.
Et pourtant je suis ici.

Nos cœurs capricieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant