- Bon vous êtes vraiment insupportables, je dois intervenir. Premièrement, on sait tous que le coupable dans cette histoire est ...
- Moi. Même si tu étais objective sur moi tu m'aurais jugé coupable. J'ai vraiment été un abruti.
- J'allais dire que c'était l'effet de masse mais très bonne remarque.
J'ai beau être en colère contre lui, je dois avouer qu'Evan a raison, Adina n'est pas du tout objective pour nous départager. La preuve est dans son langage corporel : elle croise les bras pour manifester son désaccord avec la moindre de ses paroles et elle s'est même positionnée à côté de moi, probablement pour marquer encore plus l'effet de supériorité qu'elle veut donner puisque ça nous donne l'avantage numérique.
- Plus sérieusement, c'est pas vivable comme ça. Du coup j'ai pensé à un truc très fun qu'on pourrait faire ou, pour être plus exacte, que je vais vous forcer à faire.
- Tu ne vas rien me forcer à faire ! Non mais tu te prends pour qui ?
D'ordinaire, j'aurais dit quelque chose, je me serais interposée comme d'habitude. C'est mon rôle de jouer l'entremetteuse. Aujourd'hui je n'ai ni la force ni l'envie. Si tous mes pleurs devraient me faire sentir plus légère, libérée d'un poids, celui de ma déception est bien plus lourd et présent. Je n'ai aucune envie de prendre la défense de mon ancien harceleur, je redeviens la muette qu'il connaissait si peu et pourtant par cœur.
En réalité c'est à moi que j'en veux. Je pense qu'Adina a tort, c'est moi la fautive dans cette histoire. J'aurais dû, il y a plusieurs années, couper l'herbe sous le pied au harcèlement, dire stop clairement, peut-être même rendre quelques coups. J'aurais dû en parler avant que ça ne dégénère, ne pas me laisser atteindre, leur montrer à quel point c'est mal. J'aurais dû oublier, pardonner, passer à autre chose. J'aurais dû empêcher la maladie, écoute, obéir, plus penser aux autres au lieu de me renfermer sur mon passé et de laisser tomber mon petit frère. Maintenant voilà où on en est, à accuser Evan qui n'a été victime que d'un groupe, à oublier que mon mal-être a poussé mon petit frère à essayer de ...
Des bras m'enlacent, m'entourent de cette chaleur humaine si inexplicablement rassurante. Les bras d'Adina sont d'une rugosité étrangement agréable, victimes de profonds traumatismes il y a des années.- Comment être objectif sur ton cas quand on voit ce que tu as causé ?
- Non, c'est pas de sa faute. Tout est de ma faute, tout est à cause de moi. Tout serait plus simple si je n'avais jamais existé.
- Mais qu'est-ce que tu me racontes.
Adina frotte doucement mon bras du dos de sa main telle une mère qui veut rassurer son enfant.
- Petit génie, avec ton esprit rationnel tu ne te rends pas compte que ce que tu dis n'a aucun sens ? Tu crois que ce zigoto serait revenu sur le droit chemin sans toi ? Je te jure qu'avant ton arrivée il était insupportable. Et puis moi je l'aurais déjà tué si tu ne jouais pas les médiatrices. Et puis tu as pensé à ton frère ? Je t'assure que ton impact n'a été que positif, imagine le grandir sans ta protection.
Je hoche la tête et mes pleurs se calment un peu plus tard. En redressant ma tête je réalise comme Evan semble se sentir coupable, comme il a l'air inquiet. Il est temps pour moi de reprendre ce bon vieux réflexe que j'avais rendu inconscient, que j'ai oublié ces derniers jours : mettre mon masque souriant.
- Tout ça confirme, reprend Adina, que mon idée est parfaite. On a tous besoin de faire un tour dehors.
- On ne peut pas sortir de l'hôpital Adina.
- Mon petit Evan, ton esprit est si biaisé par les règles. On peut sortir de l'hôpital, on n'y est juste pas autorisés.
- Et Clément ? Il est encore inconscient.
VOUS LISEZ
Nos cœurs capricieux
RandomEvan est un adolescent normal. Il a des rêves plein la tête, des tonnes d'amis, et le mental d'acier qu'il garde sur le terrain de basket lui promet un brillant avenir. Jusqu'à ce qu'il n'en ait plus. Après deux jours à l'hôpital, Evan s'ennuie plus...