Chapitre 5.2

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On dut appeler mon nom plusieurs fois avant que je réagisse. Profondément immergée dans l'univers enneigé et sauvage dépeint par London. Fébrilement je fourrais l'ouvrage dans mon sac tout en suivant la personne chargée de me conduire jusqu'à un bureau. Un homme d'une cinquantaine d'années se tenait derrière un bureau banal. Rien dans son expression ne me permettait de deviner ce qu'il s'apprêtait à me dire.

— Mademoiselle Galdon. Veuillez-vous asseoir, je vous prie.

Il attendit que je m'installe avant de poursuivre, déplaçant une pile de documents avant de refixer son attention sur moi. Il s'éclaircit la voix, une sorte de toussotement gêné. Je déglutis, mes doigts étreignant machinalement les pans de mon gilet. Puis il parla.

J'entendis chacun de ses mots, ils éclatèrent telles des détonations, violentes, retentissantes. Je vacillais sous l'impact, encaissant le choc. Puis je me fermais, refusant la vérité. Je n'étais pas vraiment là, impossible. Mes mains tremblaient alors que je m'accrochais aux accoudoirs comme pour m'assurer que le monde autour de moi n'était pas en train de se désintégrer. Mes parents. Un accident. Morts. Ce furent les trois mots qui se détachèrent avec une netteté horrible dans tout son discours. Trois mots que je refusais d'associer. Impossible. Hier encore j'entendais leurs voix au téléphone, je plaisantais avec mon père, je me confiais à ma mère. Ils... Non. Il devait y avoir une erreur, ce ne pouvait pas être eux.

Intérieurement, tout s'écroulait, c'était le chaos. À l'extérieur, je ne sais par quel miracle, j'arrivais à garder un semblant de sang-froid, attendant la fin de cette conversation sans en saisir totalement le sens. Qu'il mette fin à cette torture, que je sorte.

— Ça va aller mademoiselle ?

Je faillis éclater d'un rire sans joie. Se moquait-il de moi ? À son avis ? Il venait de m'annoncer que ma famille venait de... Je bloquais sur le mot, incapable de seulement le penser. Disparaître. Seule. Je n'avais personne vers qui me tourner. Par je ne sais quel miracle, je parvenais à faire bonne figure.


La lumière crue du milieu de journée m'accueillit à ma sortie du poste. Éblouie, encore hébétée sous le coup de la nouvelle, je restais sur le pas de la porte, incapable de savoir ce que j'allais faire. Une personne sur le point de rentrer me força à bouger, à mouvoir ce corps qui me paraissait étranger. Je fis quelques pas maladroits, traversant la rue sans vraiment prêter attention à la circulation.

Tout m'oppressait. Les rues bondées, les bruits ambiants, l'air étouffant. Une main plaquée contre ma poitrine, je respirais difficilement. Un poids m'oppressait la cage thoracique, la tête me tournait. Brute et vicieuse, la souffrance s'enroulait autour de moi, resserrant son emprise à chaque battement de cœur. Pas question de faire un malaise en pleine rue, que des inconnus se regroupent autour de moi. L'idée d'être sans défense au milieu d'une foule me fournit la motivation nécessaire pour bouger, fuir. L'instinct de survie prima et désorientée, je courrais droit devant moi. Dans ma tête, les paroles du policier tourbillonnaient, autant de poignards m'aiguillonnant de leur pointe acérée.

Je finis par regagner la voiture. Mesparents me l'avaient offerte pour fêter la fin du premier semestre, petiteoccasion d'un rouge clinquant. Je l'adorais. À présent, je ne voyais plus quele symbole qu'elle représentait. À l'instant même où la portière se referma,m'isolant de la rue et de ses passants, je craquais. Les mains crispées sur levolant, les sanglots me secouèrent avec une violence inédite. J'avais l'impressiond'exploser en milliers de morceaux, que rien n'arriverait à recoller.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant