Chapitre 13.3

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Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas pourquoi il s'en voulait à ce point. Il ne pouvait pas deviner ce qui allait se passer. Cela me faisait mal de le voir dans cet état.

— Cette nuit-là, tu ne savais pas que mes parents...

Je pris une inspiration, ayant toujours du mal à mettre les mots dessus.

— Qu'ils étaient morts. Tu me pensais en sécurité.

Je m'approchais de lui, frôlant son bras de ma main.

— Alors par quoi on commence ? changeais-je de sujet.

Il croisa mon regard, ses prunelles devinrent moins sombres. Ses traits s'adoucirent, même si je sentais toujours la culpabilité en lui.

Il choisit un petit calibre et me coiffa d'un casque avant de m'amener dans l'un des box. Une cible m'attendait, à l'autre bout du couloir de tir.

— Vas-y, montre-moi. Je corrigerais ta posture si besoin.

Les doigts hésitants, j'armais le pistolet, me positionnais face à la cible et visais. Le coup partit et le recul de l'arme me surprit même si je m'y attendais. Mon tir dévia de quelques centimètres, ratant largement la feuille de carton. Je grimaçais de dépit.

Arenht ne fit aucun commentaire. Il me fit me replacer, ses mains venant relever mes bras à une certaine hauteur, abaisser mes épaules, soulever mon menton. J'essayais de faire abstraction de l'effet que me faisaient ces effleurements. Une fois qu'il fut satisfait de ma position, il me fournit quelques indications.

— Premièrement la position, tout est dans l'équilibre du corps. Ensuite, viser. Il faut faire correspondre la ligne de mire et la ligne de visée. Regarde.

Patiemment il m'expliqua les différents organes de l'arme utiles à la visée et les points de repère à prendre.

— Maintenant, le tir en lui-même, ou dans le jargon, le lâcher. Cette fois, c'est ta respiration qu'il faut travailler, la synchroniser avec le moment où tu tires. Une fois que tu finis d'expirer, tu peux appuyer sur la détente. Avec l'entraînement cela deviendra naturel.

S'il le disait. Il m'invita à essayer de nouveau. Je me concentrais et tirais.

Le recul, si tu ne l'anticipes pas, te fera rater ton tir à chaque fois. Il faut que tu l'encaisses, que tu prépares tes muscles au choc.

J'acquiesçais docilement, pinçant les lèvres en veillant à mettre en application chacun de ses conseils. Les tirs suivants furent meilleurs. Je travaillais ma précision et à la fin de la séance, la feuille cartonnée portait les preuves de mon travail. La plupart des impacts se situaient sur la silhouette à forme humaine. Satisfait, Arenht me donna quelques autres conseils avant de me laisser rejoindre ma deuxième séance.

Avec une certaine réserve, j'entrais dans la salle tapissée de tatamis. L'atmosphère de cette pièce tranchait avec la précédente. Il y régnait une sérénité mêlée à une ambiance respectueuse proche de celle que l'on retrouvait dans les églises, non que j'en ai côtoyé beaucoup.

J'enlevais automatiquement mes baskets à l'entrée avant d'oser fouler la surface des tapis. Le silence fut à peine troublé par l'arrivée de l'homme censé m'enseigner les bases de son art. Je l'avais croisé brièvement lors des réunions, mais jamais nous n'avions échangé plus que des salutations. Je lui souris maladroitement, ignorant comment le saluer dans cette salle. Je bredouillais un bonjour avant de le laisser poursuivre. Il m'évalua du regard avant de me faire signe d'approcher.

— As-tu déjà pratiqué un art martial ?

Je secouais la tête, une moue d'excuse sur les lèvres.

— Ne te sens pas mal. Au moins je n'aurai pas à défaire de mauvaises habitudes. Je vais te proposer divers exercices pour cerner ton niveau. En fonction des résultats, je mettrais en place un programme adapté. Tu respectes les lieux, c'est un bon point, remarqua-t-il en pointant mes pieds uniquement vêtus de chaussettes. Bon. On va commencer par les exercices d'échauffement. La base. Il faut veiller à préparer le corps, les muscles, les articulations avant de les solliciter à l'effort.

J'opinais religieusement avant de suivre ses indications. L'appréhension me nouait l'estomac. Je retrouvais l'angoisse précédant chaque séance de sport au lycée, la sensation de ne pas être à la hauteur, d'être empotée.

— Je ne suis pas là pour te juger, intervint Trenan comme s'il percevait mon malaise. Mon rôle est de t'aider à prendre le contrôle de ton corps, d'apprendre à te défendre. Ici, personne ne se moquera de toi. On s'entraide les uns les autres. Pas de compétition. Je crois que tu as besoin de travailler ta confiance en toi. C'est essentiel pour ensuite se servir au mieux de ses capacités.

Chacun de ses mots portait, atteignait leur cible. Les larmes me montèrent aux yeux. Il avait décelé mes faiblesses, les peurs intérieures contre lesquelles je luttais. Il confirmait mon ressenti. Ici j'avais trouvé ce qui s'approchait le plus d'une famille. Par je ne sais quel miracle, je réussis à ne pas craquer. Ma tête se redressa, je lui souris pour lui indiquer que j'étais prête.

La séance fut loin d'être une torture. Trenan y alla progressivement, des exercices simples qui se succédèrent puis il testa mes limites pour voir où je me situais physiquement. Je me surpris moi-même, la transformation m'ayant doté d'aptitudes dont j'ignorais l'existence jusque-là. Cela m'aurait bien servi à l'époque des cours de sport, songeais-je. À la fin de l'entraînement, j'étais en sueur et légèrement essoufflée, mais j'appréciais la fatigue physique qui en résultait. Je me sentais plus sereine, l'esprit vidé de mes habituels doutes. Trenan me donna rendez-vous pour le surlendemain.

Doc me raccompagna à mon appartement, prétextant la fatigue que je devais ressentir. Je le soupçonnais de surtout avoir envie de discuter de ma première journée d'entraînement, ce qu'il ne manqua pas de faire dès que je fus installée à ses côtés. Je lui fis un rapide débriefing excluant certains moments avec Arenht. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant