Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 30.3

Un corps se mit en travers de ma route, bloquant le passage du couloir menant à l'entrée. Un soupir d'exaspération m'échappa. Ils s'étaient donné le mot aujourd'hui.

— Sheren, je ne suis vraiment pas d'humer là.

— Ah. Dommage, parce que moi je le suis. D'humeur, précisa-t-il d'un air doucereux.

Je serrais les dents pour réprimer un cri de frustration. Levant les yeux au ciel, je le poussais de l'épaule pour qu'il se recule. À la place, il m'attrapa par le bras, tout en secouant la tête.

— Lynee, tu permets ?

Un grondement retentit. À son air surpris, je percutais. Je venais de grogner, littéralement. À l'intérieur ma louve montrait les crocs, aussi agacée que moi.

— Désolé pour le surnom. Pas la peine de mordre. Je voulais juste discuter.

Je daignais croiser son regard. Son éternel air moqueur avait laissé place à une inquiétude sincère. Je sentis mes maigres défenses éclater en morceaux, me laissant vulnérable, prête à m'effondrer.

— Allez, je t'emmène faire un tour. On va se changer les idées.

D'autorité il m'emmena vers le garage. Interdite, je me laissais faire, n'ayant plus le courage de lui tenir tête.

Arrivés devant l'enseigne du bar, je lui lançais un regard sceptique.

— Un ou deux verres et je rentre, lançais-je avec une moue boudeuse.

— Ouais, on verra. Essaye juste de ne pas faire la gueule, OK ? On est là pour s'amuser je te rappelle.

D'un vague geste de la main, il m'enjoignit de le suivre. Je soupirais tout en ramenant la lanière de mon sac sur mon épaule. Sheren, l'homme qui murmurait à l'oreille des femmes, songeais-je avec ironie. Je me mordis la langue pour ne pas ricaner.

Je suivis Sheren, zigzaguant entre les tables et les personnes agglutinées autour. Qu'est-ce qui m'avait pris d'accepter ? Je me posais encore cette question en atteignant le bar juste derrière lui. Il passa sa commande au serveur d'un air décontracté. Je lui enviais cette aisance. Je m'assis sur un tabouret, cherchant à adopter une posture naturelle. J'étais venue pour me changer les idées, sortir de mon apathie. Et surtout j'avais cédé à son insistance. Quand Sheren avait une idée derrière la tête, il pouvait se montrer vraiment embêtant, et encore c'était un euphémisme ! Au point que pour ma santé mentale, je m'étais résolue à sortir la tête hors de nos murs. Doc et Antonh devaient nous rejoindre peu après. Je trempais mes lèvres dans le verre qu'il avait commandé pour moi. Hum, pas mauvais. Assez sucré pour adoucir la brûlure de l'alcool. Je vidais le contenu par petites gorgées, autant pour me donner une contenance que pour garder cette saveur en bouche.

Un léger brouillard embrumait mes perceptions. Ce n'était pas désagréable cette sensation d'être dans du coton moelleux. J'entrechoquais mon verre contre la bouteille de Sheren.

— Tu as de bonnes idées quand tu veux.

Il hocha la tête de manière sérieuse, comme si cela allait de soi. Je sentis qu'il m'observait avec attention.

— Ça change de te voir aussi...

— Aussi quoi ? Détendue ? Bourrée ?

Un gloussement m'échappa. Je reposais mon verre d'un mouvement maladroit, puis me levais.

— Je n'en ai bu que deux, t'inquiète, lui assurais-je.

Il pianotait rapidement sur son portable tout en me jetant de furtifs coups d'œil.

— Les gars vont avoir du retard. Une urgence du côté de Doc et Antonh l'attend pour le prendre.

J'acquiesçais tout en me balançant au rythme de la musique. J'adorais ce morceau, c'était plus fort que moi, mon corps semblait bouger de lui-même. Pour une fois, je décidais de profiter, de ne pas me soucier du regard des autres. Il y avait du monde déjà en train de danser. Je n'étais qu'une personne de plus, anonyme. Le souvenir de cette soirée en boîte de nuit, avec Cassie et Ethan me revint. Je fermais les yeux, revivant la scène où je me retrouvais face à face avec Arenht pour la première fois. La sensation de sa main sur mon bras. J'avais l'impression de la sentir en cet instant même, une pression ferme. J'ouvris brutalement les yeux en prenant conscience que quelqu'un me tenait réellement le bras. Mon cœur fit une embardée.

Non. Ce n'était pas lui. L'individu relâcha son étreinte dans un petit sourire contrit.

— Je ne voulais pas t'effrayer. Tu avais l'air perdu dans tes pensées. Tu m'intriguais, je voulais juste faire ta connaissance. C'est la première fois que tu viens ici ?

Je clignais des yeux, tout en répondant à son sourire. Il n'avait pas l'air dangereux. Il ne me collait pas, ne me faisait pas du rentre dedans. Un bon point pour lui. Je l'étudiais rapidement. Des cheveux blond foncé coupés courts, des yeux bleu clair et une légère fossette creusant sa joue alors qu'il me souriait. Je rougis en constatant qu'il me fixait toujours. On parla un peu de tout et de rien, tout en profitant de la musique. Un morceau un peu plus sensuel se fit entendre et le jeune homme mit la main sur ma hanche pour danser avec moi. Complétement dans l'ambiance, la tête légère, je me laissais aller au rythme.

Une mainme saisit rudement le poignet. Je me retournais pour apostropher l'individu sepermettant ce geste. Ma bouche se referma en avisant Arenht.