Chapitre 25.1

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* Avertissement: scène pouvant heurter la sensibilité 


Nouveau parking, clairement moins entretenu que le précédent. Niveau standing, les critères avaient été sérieusement revus à la baisse. Je fus tirée hors du véhicule sans ménagement avant d'être traînée vers un accès au niveau inférieur. Je grelottais de froid et de peur. Où m'emmenaient-ils ? Après avoir descendu un escalier maculé de traces diverses, ils me firent passer une porte coupe-feu. Des sortes de boxes s'alignaient dans le fond. L'un était éclairé. Ils m'y poussèrent, puis m'attachèrent à l'un des murs par deux chaînes pendant du plafond. Mon sang-froid ne tenait plus qu'à un fil. J'examinais les environs, la disposition des lieux, recherchant frénétiquement une échappatoire. Rien à quoi se raccrocher. Le Décoloré réapparut, une mallette à la main. Un sourire mauvais jouait sur ses lèvres. Il déposa sa valise sur la table juste à côté et l'ouvrit, révélant son contenu. Un frisson de terreur me traversa en avisant l'assortiment de couteaux et poignards aux lames aiguisées soigneusement entreposées dans leur compartiment.

— Ah, j'étais impatient de pouvoir tester ces petites merveilles. Voyons si elles tiennent leurs promesses.

Ses doigts hésitèrent au-dessus des armes avant de se saisir d'un poignard à la lame légèrement recourbée. Lorsqu'il s'approcha de moi, je tentais de reculer malgré les chaînes retenant mes poignets. L'un de ses hommes de main me saisit par les cheveux et d'une secousse m'intima de rester tranquille.

— Tourne-là, Viktor. Son dos fera une très belle toile.

Les yeux agrandis d'effroi, j'entendis le bruit du tissu qui se déchire. D'un geste automatique je retins les restes de mon tee-shirt sur le devant de ma poitrine. Il aimait jouer avec ses proies. Les mises en garde d'Arenht me narguèrent alors que la lame froide sillonnait ma peau en une danse macabre. Il ne faisait qu'effleurer mon épiderme, pour le moment.

Je me mordis l'intérieur des joues pour réprimer mon cri. La morsure de l'argent sur ma peau fut aussi cuisante qu'un tisonnier brûlant. La nausée me tordit l'estomac. Je fermais les paupières avec force, contenant ma souffrance. Ma louve m'entoura de sa chaleur, me soutenant mentalement. Je n'avais pas besoin de voir leurs visages pour savoir qu'ils jubilaient, savourant mon impuissance. Je n'aurais jamais dû retomber entre leurs mains. Stupide fierté mal placée. Le jour où j'étais devenue officiellement une des leurs, Declan m'avait pourtant clairement souligné l'un des principes de base : ne jamais partir sur le terrain sans assurer ses arrières. Quel piètre agent je faisais ! Tout cela à cause de ma stupide jalousie. S'il n'y avait pas eu Lahra... Oui, sauf que j'étais la seule responsable de ce désastre.

Le second coup ébranla ma volonté, celle-ci se fendillant, prête à céder. Au prochain impact ils auraient gagné. Ma louve grondait, montrait les crocs. Si seulement elle pouvait sortir. Le Décoloré fit courir de nouveau une lame le long de mon échine. Juste un effleurement, mais qui suffit à m'envoyer une décharge de peur. Ma peau se couvrit de chair de poule amenant un rire démoniaque. Les mains entravées, je ne pouvais essuyer la sueur glacée couvrant mon front ni les larmes embuant mon regard.

— On fait de la résistance, hein ? Ce n'est pas pour me déplaire. Avec mes amis on aime jouer. Les paris sont ouverts. À votre avis, interrogea-t-il en se tournant vers ses acolytes, à quel moment sa jolie bouche va-t-elle s'ouvrir pour hurler ?

Les dents serrées, je pris sur moi pour ne pas lui cracher au visage. Mes entrailles se nouaient en un nœud inextricable. Je devais me détacher, me retirer dans un endroit très lointain. Mon double animal me guida. Les yeux fermés, je suivis sa silhouette neigeuse, m'enfonçant dans les méandres de mon esprit.

Une claque virulente me ramena au présent. Je cillais, un goût de sang imbibant mes lèvres. Dans un mouvement inconscient, ma langue vint lécher la goutte pourpre.

— Tu aimes le goût du sang, petite ? s'enquit mon tortionnaire en rivant son regard au mien.

Ses doigts tachés par la nicotine m'enserraient le menton pour forcer mon attention.

— J'ai besoin de toute ton attention susurra-t-il. Pas question que tu te réfugies ici, ajouta-t-il en tapotant mon front avec insistance.

Je transmis toute ma colère et ma rage dans le regard que je lui retournais.

— Tu vas me donner les réponses que j'attends. Cela prendra le temps qu'il faudra. Si tu ne le sais pas encore, je suis très, très patient. Poursuivons.

Il se pencha vers la table adjacente, soulevant divers instruments, hésitant. Quand il brandit le scalpel dans ma direction, je ne pus réprimer un mouvement de recul, les yeux agrandis de terreur.

— Chut, chut, chut. Pas de mouvement brusque. Tu ne voudrais pas faire déraper ce petit joujou. J'ai en tête un dessin très précis à graver sur cette belle toile.

Se disant, il caressait mon dos.

J'allais craquer. C'était imminent. J'anticipais le contact froid et aiguisé de la lame. Lorsqu'il arriva, je me cabrais, cherchant à lui échapper. Le Décoloré m'empoigna l'épaule, me plaquant contre le mur. La pointe s'insinua dans ma peau, y chemina paresseusement, prolongeant le contact mortel de l'argent avec mon épiderme. Mon cri éclata dans la pièce, se répercuta sur les murs, vibra à mes tympans. Sous les vagues de douleur, je cherchais à atteindre le refuge promis par ma louve. Pendant que mon bourreau continuait consciencieusement sa torture, je perdis pied.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant