Chapitre 26.1

131 12 0
                                    


Une main glissant sur mon front, des paroles dont je ne saisissais pas le sens. Des brides d'images, de sons. J'entrouvrais les paupières avec difficultés, perdue. Doc.

J'attrapais son poignet, le forçant à se pencher juste au-dessus de moi pour entendre.

— Ne le laisse... pas, bredouillais-je. Pas mon dos. Arenht...il ne doit pas...

L'effort me laissa haletante, la sueur dégoulinant de mon front.

— C'est bon ma belle. On s'occupe de toi. J'ai compris.

Sur ces mots, je fermais les yeux, retombant dans l'obscurité.


Je tournais la tête de part et autres pour scruter la pièce. Elle m'était familière. Les murs bleu pâle et gris... L'infirmerie de Doc. J'étais de retour à la maison, en sécurité. Le soulagement m'envahit, intense. Puis je le vis, endormi dans le fauteuil au fond de la pièce. Je me redressais, affolée. Arenht, avait-il vu... La machine à laquelle j'étais reliée émit des bips rapprochés. Tiens, j'avais occulté tout ça. Une grimace m'échappa, suivit d'une montée de panique. Je fermais avec force les yeux pour enrayer la crise. Je n'étais pas entre leurs mains, j'étais en sécurité. Ma respiration s'emballa, échappant à mon contrôle. Trop de similitudes avec mon traumatisme. Ces aiguilles dans mon bras, le bruit de la machine. Je commençais à manquer d'air, j'étouffais. Ouvrant les paupières, je verrouillais mon attention sur la seule chose à laquelle je pouvais me raccrocher. Arenht. Son visage. Ses traits adoucis par le sommeil. Lentement, l'air emplit mes poumons. Alors que la porte s'ouvrait sur la silhouette de mon ami, je pris conscience de mes doigts crispés sur la fine couverture qui me recouvrait. Je les desserrais tout en affichant un air contrit. Doc jeta un coup d'œil aux courbes affichées sur le moniteur, puis me sourit.

— Désolé pour l'attirail, dit-il en indiquant le matériel médical, mais c'était nécessaire dans un premier temps. Je vais t'enlever tout ça.

— Désolée, lui soufflais-je en retour.

Désolée pour tant de choses que je ne les comptais plus. Désolée pour avoir eu la folie de croire que je m'en sortirais seule, de les avoir inquiétés, de l'avoir réveillé en plein milieu de la nuit pour voler à mon secours. Désolée pour être aussi perturbée. Les larmes perlèrent alors que la liste mentale s'allongeait.

La main de Doc se posa, rassurante sur mon poignet, ramenant mon attention sur lui.

— Il n'a pas vu ton dos, s'empressa-t-il de me rassurer. Il est arrivé peu de temps après moi. Il a failli devenir fou en te voyant dans cet état. Tu nous as fait une belle frayeur.

Je me rallongeais sur le matelas. Je n'avais pas réussi à lui éviter de s'en faire pour moi. Une nouvelle fois j'étais un poids. Il vint s'asseoir à mon côté, me servant un verre d'eau. Je pris le verre avec reconnaissance, laissant la fraîcheur de l'eau atténuer la sécheresse de ma bouche.

— Tu comptes m'expliquer ce que tu faisais à Toronto ?

— Lucas Garman, murmurais-je pour lui seul.

Je n'eus pas besoin de le regarder pour deviner qu'il encaissait l'information. La seule évocation de son nom me fit frissonner.

— Ayl. Cela explique en partie la tenue dans laquelle nous t'avons trouvé.

J'avais occulté ce détail. Un coup d'œil à ce que je portais : un large tee-shirt remplaçait le haut bricolé avec le chiffon.

— Pourquoi avoir agi seule ?

Je baissais la tête. Avec le recul, je n'avais aucune raison valable justifiant ma mise en danger. Doc soupira, avant de me serrer brièvement la main.

— C'est lui qui...

Je secouais la tête, déglutissant avec peine.

— Il m'a livré... à eux...

Pas besoin d'en dire plus. Il ferma les yeux brièvement, ses mâchoires se contractèrent, puis il se reprit.

— Repose-toi. Je vais aller parler à Declan. Tu es entre de bonnes mains, ajouta-t-il en tournant la tête vers son ami toujours endormi. Ne le repousse pas, parle-lui.

Je le regardais sans comprendre, ou en refusant de comprendre le sous-entendu. Un sourire complice éclaira le visage de Doc.

— Pourquoi les personnes concernées sont-elles aveugles à ce qui nous saute aux yeux ?

Sur ces paroles, il sortit, me laissant méditer sur leur sens. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant