Chapitre 32.2

140 11 0
                                    


Le secteur dans lequel notre cible se trouvait changeait du quartier de Garman. Pas de building ici, ni de maisons victoriennes. Un décor digne des séries policières que je regardais parfois où les gangs douteux faisaient leurs affaires. Une compagnie ferroviaire, un coin peu fréquenté à cette heure avancée de la nuit, des bâtiments ne payant pas de mine, un terrain vague, des bosquets d'arbres. Sheren nous déposa tout près, avant d'aller garer la voiture plus loin.

Louvoyant entre les rails et les vieux wagons parsemant ceux-ci, nous nous rapprochâmes de l'entrepôt. D'un geste, Arenht indiqua le tas de caisses dans l'ombre, sur le côté du bâtiment. Aux aguets, je scrutais les environs, prête à donner l'alerte si une de leur patrouille pointait le bout de leurs armes dans les parages. Ma louve était passée en mode chasse, les crocs prêts à servir. Mes doigts jouèrent machinalement avec mes lames, tâtant leur tranchant acéré, rassuré par celui-ci. La bise glaciale et humide traversait nos vêtements sans que nous en soyons gênés, notre température corporelle étant plus élevée que celle des simples humains. Les conditions étaient idéales pour suivre notre piste, le sol chaud exhalant tout un réseau d'odeurs dont nous remontions la piste efficacement. Sheren ne tarda pas à réapparaître. Il s'accroupi à mes côtés, reniflant justement l'endroit où nous nous étions arrêtés, la concentration lui faisant froncer les sourcils.

— Y'a une odeur bizarre.

— Précise, intervint Arenht.

— Une légère note acide, un truc chimique avec un soupçon d'odeur de désinfectant.

Mes muscles se tétanisèrent à cette évocation. Me glissant à sa place, je m'abaissais vers le sol à mon tour. Mon nez se retroussa de dégoût et ma louve grogna quand mon soupçon se confirma. L'effluve fit affluer à mon esprit des souvenirs douloureux. Me redressant brusquement, je me plaquais contre l'une des caisses, tentant de chasser l'odeur par de longues inspirations d'air frais.

— Ayl, ça va ? demanda Sheren, surpris par ma réaction.

— Je... Oui, laisse-moi deux secondes, articulais-je nauséeuse. Je sais ce que sais, l'odeur.

Je pris une profonde goulée d'air, avant de leur faire face.

— C'est le virus.

— Oh putain de merde. Il fallait s'en doutait qu'ils stockeraient cette saleté quelque part.

Le visage d'Arenht s'était assombri. S'approchant de nous, il me serra l'épaule doucement.

— On va mettre fin à tout ce cirque, Ayl.

Je hochais la tête tout en plongeant mon regard dans le sien. La flamme qui y brûlait me réchauffa le cœur et me remit d'aplomb. L'envie de l'embrasser me submergea, mais je me retins. Ce n'était pas le moment. Pourtant, je vis dans ses yeux la même faim que la mienne. Il me caressa la joue avant de reprendre son poste.

Le vent se leva peu à peu, sifflant à nos oreilles. Sur le qui-vive, Arenht et moi attendions le signal de Sheren parti derrière l'entrepôt après s'être transformé. Sa silhouette élancée à la fourrure d'un brun roux se faisait attendre. Je repoussais machinalement une mèche qui s'était échappée de ma queue de cheval, en profitant pour assouplir un peu mes doigts qui jusqu'à présent étaient crispés sur mes armes. Je jetais un coup d'œil vers mes coéquipiers. Arenht, aussi immobile qu'une statue, avait les yeux rivés sur l'endroit où Sheren devait réapparaître. Ça le démangeait de se retrouver dans la peau de son loup et de traquer sa proie. Je ne pouvais que le comprendre, surtout qu'il m'était impossible de le faire depuis des mois et que cela me rongeait tel un poison. Plus on s'approchait d'eux, de la confrontation, plus ma louve voulait sortir, avide de sang, de leur sang. Et elle l'aurait, je pouvais lui garantir.

Alors que mes jambes commençaient à s'ankyloser par la fixité de ma position, la truffe de Sheren émergea au petit trot de l'ombre, ses yeux brillants d'un éclat jaune. Se faufilant jusqu'à nous, il entra dans le wagon pour se métamorphoser puis sortit. Suspendus à ses lèvres, nous attendions son rapport.

— C'est le bon bâtiment. Deux vigiles positionnés à l'entrée arrière, un à l'avant, une fenêtre sur le côté sud, en hauteur. Pas assez de visibilité pour l'intérieur, mais ça ne m'étonnerait pas que l'ouverture soit aussi surveillée.

Nous digérâmes la nouvelle en silence. Bien sûr, les entrées étaient gardées, sécurité prévisible. Les informations dont nous disposions avant de tout mettre en route étaient minces et reposaient surtout sur des indications non vérifiées. Aller sur place était la seule option pour cerner la logistique du Groupe L.

— Sheren, retourne à la position de Declan transmettre le rapport. Aylyn et moi allons brancher les capteurs dans les entrepôts annexes. Nous vous rejoindrons juste après.

Il acquiesça et nous recommanda d'être prudents.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant