Chapitre 20.1

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L'acier soigneusement entretenu de mes lames accrocha la lumière des lampes au-dessus de moi. Je les sortis de leur coffret et les déposais sur la table d'appoint avant de faire quelques exercices d'assouplissement. Doc m'avait répété de ne pas forcer, de me remettre progressivement à mes entraînements. Je comprenais. Les mouvements induits par mes armes exerçaient des tensions dans les muscles de mon torse, tiraillant l'endroit encore sensible de ma blessure. Par réflexe, je posais ma main à cet endroit, avant d'y jeter un coup d'œil pour une énième inspection. J'en suivais l'évolution tous les jours, de manière presque obsessionnelle. Une légère trace rosée, voilà ce qu'il restait, un souvenir infime, mais qui tardait à s'effacer, en tout cas pour une louve-garou. Rabattant le tissu, je me résolus à me concentrer. De l'argent avait pénétré dans mon corps, logique que la guérison soit plus longue.

Positionnée face aux cibles, j'ajustais la position de mes doigts autour du manche, régulais ma respiration, visais la cible puis lançais. La première série me permit de me dégourdir les muscles et de prendre la mesure de leur état. Lors de la deuxième, j'augmentais l'amplitude de mes mouvements d'un cran. Mon corps suivait. Je me détendis, profitant des effets libérateurs de cette activité physique. Tout allait bien. Jusqu'à ce qu'une crampe soudaine arrête mon geste. Ma prise dérapa et je m'entaillais le pouce. J'observais avec un étrange détachement les gouttes pourpres s'écouler de la fine ouverture dans ma peau. Elle ne cicatrisait pas. Une autre crampe me fit me recroqueviller sur moi-même. Le son de la lame tombant sur le sol m'arriva comme assourdi. Qu'est-ce qui m'arrive ? songeais-je en pressant ma main contre mon abdomen. Les douleurs empiraient, élancements de plus en plus violents. Je tentais de me mettre debout. J'atteignais la position verticale quand une nouvelle vague de douleur me traversa.

Protège-moi ,hurlait ma louve prise au piège. Les yeux larmoyants, je lui demandais comment. Comment la secourir alors que j'ignorais totalement le mal qui nous avait atteints ? J'avais l'impression de me heurter à une vitre, mon double se trouvant du côté opposé, hors de portée. La douleur me fit me tordre, des spasmes violents agitant mes muscles sous tension. Des images surgirent, tout d'abord incompréhensibles, brouillées. Fixant mon attention sur elles, je tentais d'en saisir le sens. Une couleur ressortait cependant, un bleu étrange, terne, sans vie. À quoi cela faisait-il référence ? Dans les méandres de mon esprit, je le savais, mais j'étais incapable de mettre le doigt dessus.


Des mots indistincts, prononcés avec une certaine urgence me sortirent de... Ah, j'avais dû perdre connaissance. Des mouvements secouaient mon corps. Mes paupières hésitèrent, peu coopératives pour s'ouvrir. Mes narines inspirèrent une odeur plus que familière, la sienne. Instantanément les battements de mon cœur s'apaisèrent.

— Aylyn ?

Sa voix résonnait tout près de mon oreille. Si proche... Ma vision fut enfin opérationnelle. Oh, je me trouvais dans ses bras. Je me sentis rougir. Impossible de me cacher, à moins de me nicher contre sa poitrine. Non que l'idée ne soit pas tentante... Il marchait tout en me soutenant et en appelant quelqu'un apparemment. De l'appareil sortait une voix inquiète. Arenht reprit le téléphone contre son oreille.

— Elle a repris connaissance, j'arrive dans quelques secondes.

Il raccrocha avant de m'étudier de nouveau. Même si son intérêt était purement centré sur mon état de santé, je ne pus m'empêcher de frémir sous son regard ambré.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant