Le Beau et la Bête [BxB]

20: Une (très) mauvaise nouvelle

Louis ramait aussi vite qu'il le pouvait.

Cela ne faisait que quelques minutes qu'il avait quitté la berge mais déjà il ne voyait plus la forêt d'arbres dénudés.

La peur au ventre, il donna un énième coup de rame. Sa gondole glissait sur l'eau éclairée par le seul rayonnement de la lune. En regardant autour de lui, le garçon se sentit perdu.

Il était seul.

Le clapotis de l'eau était son unique compagnon. Il souffla, laissant échapper une fumée blanchâtre de ses lèvres. Toujours en ramant, Louis resserra les pans de sa veste dorée. Quelle idée de partir sans se couvrir aussi ! On était encore en hiver ! Quel imbécile il pouvait faire...

Il soupira d'épuisement et arrêta de ramer. Depuis qu'il était parti, il n'avait pas pris le temps de faire une petite pause. La gondole continua sa route, ralentissant progressivement. Finalement, elle se stoppa et Louis regarda autour de lui.

Rien.

Juste de l'eau à perte de vue. En parlant de vue... la sienne commençait à se brouiller. Le froid l'envahissait peu à peu, engourdissant ses membres et le faisant geler sur place.

Un autre nuage blanc s'échappa de ses lèvres entrouvertes. Il fait quand même super froid, pensa-t-il en tremblant. Logique on était en plein hiver.

- Merci Louis, grommela doucement le garçon. Si tu pouvais avoir des réflexions plus intelligentes, ça serait mieux.

Il soupira. Si ça continuait, il allait finir par se transformer en glaçon. De tout façon, il ne pouvait pas faire demi tour maintenant, il devait LE sauver. Et personne ne pourrait venir le chercher puisqu'il avait pris la barque de la nourrice du jeune homme aux cheveux noirs.

- William... murmura-t-il tout de même en se recroquevillant.

Une lueur au loin attira son regard. Il tourna la tête vers elle et plissa les yeux pour mieux se concentrer sur la source de lumière. Il... il la connaissait !

Venise.

- Papa... j'arrive... fit Louis en ramant vers la ville du carnaval.

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Deux heures plus tôt...

William racompagnait Louis jusqu'à sa chambre. De tant en tant, il lui lançait des regards remplis d'un sentiment qu'il ne connaissait pas. Ou qu'il avait oublié.

Était-ce de la joie ?

- Bonne nuit, fit Louis en le fixant avec l'un de ses plus beau sourire d'après le plus vieux.

William hocha la tête avant de répondre :
- Vous de même.

Alors que Louis allait refermer la porte de sa chambre, Tazza arriva en courant, suivi de près par sa mère et le majordome de la villa. Tous semblaient préoccupés. Mr Candeliere lissait sa moustache d'un geste soucieux, Mme Teiera avait les sourcils froncés et son fils ne souriait pas, au contraire de d'habitude.

- Louis... Louis... s'exclamait ce dernier véritablement inquiet. C'est... c'est ton...
- Votre père a un problème, termina Adryan Candeliere en se tournant vers le jeune homme.

Celui-ci avait rouvert sa porte et s'était approché, regardant de tant en tant William. Il paraissait plongé dans ses pensées et ses beaux yeux de glace s'étaient assombris.

- Qu'est-ce qu'il a ? demanda Louis en sentant sa lèvre inférieure trembler.
- Quand je suis allée au marché cet après-midi, j'ai entendu une conversation entre deux garçons parlant d'un homme qui allait aller à l'asile. commença Mme Teiera en évitant le regard du jeune homme. Un certain Richard Rowe. Le plus jeunes des deux a demandé à son compagnon la raison et ce dernier lui a expliqué que Richard avait menacé une jeune fille et que c'était la disparition de son fils qui l'avait changé.

Elle fit une courte pause avant de reprendre, le visage décomposé comme si elle se rendait compte de sa bêtise.

- Je... je n'avais pas fait le rapprochement avec toi, Louis, ajouta-t-elle, en le regardant les yeux exprimant tout son désarroi.
- On en a parlé pendant que vous mangiez tous les deux. termina Adryan Candeliere. Richard Rowe... c'est bien votre père ?

Louis hocha la tête, sentant son monde s'écrouler. William dût le retenir avant qu'il ne tombe au sol, anéanti par la nouvelle. Il sentit le plus jeune faire une crise de panique dans ses bras et il le serra un peu plus fort. Il réussit à le porter, ouvrir la porte de sa chambre, et le déposer délicatement sur le rebord de la fenêtre, espérant secrètement que la vue des étoiles calmerait Louis.

Pendant ce temps, les autres habitants de la villa se retirèrent, sans un mot.

William ne savait que faire. Des idées fusaient dans son esprit à toute vitesse. Il ne pouvait -et ne voulait- laisser le jeune homme aux cheveux châtains tout seul mais n'avait aucune expérience dans le fait de rassurer ou consoler quelqu'un.

- Papa... entendit-il murmurer.

Le jeune homme aux yeux de glace se tourna vers celui aux pupilles noisette. Il tremblait comme une feuille. William s'approcha de lui et l'enlaça essayant vainement de le calmer.

Louis, de son côté, ne fit pas attention aux bras qui se voulaient rassurant du plus vieux. Il ne pensait qu'à son père. Égoïstement, il se disait que si le maître des lieux ne l'avait pas enfermé, l'architecte d'intérieur n'aurait pas eu de problèmes.

- Papa... répéta-t-il en sentant ses yeux s'humidifier.
- Ça va aller, lui murmura William en le serrant plus fort.

Non, ça n'allait pas, pensa Louis. Ça ne pouvait pas aller.

Son père, c'était toute sa vie. Il avait été présent lors de sa rentrée au collège et au lycée. Il était là quand il eut fini de lire son premier livre, quand il avait appris à faire du vélo. Il l'avait soigné lorsqu'il s'était échappé d'Élise en grimpant dans un arbre (une grave erreur).

Il lui avait fait connaître la patience de son métier, la joie dans des moments tristes. Il lui avait offert l'une des plus grandes parts de son amour, lui avait ouvert son coeur.

Il avait même été la mère qu'il n'avait jamais connu.

Louis laissa toutes ses barrières tomber. Il éclata en sanglots dans les bras de William qui comprit ce qu'il devait faire. Il ferma les yeux avant de repousser doucement le plus jeune. Il lui releva la tête et l'observa quelques secondes, essayant d'enregistrer les moindres détails de son visage.

- Vas-y, murmura-t-il, vas sauver ton père.