Game Over

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Je devrais m'en aller à toute vitesse, mais, incapable de bouger, je restais là, à les observer, le décor figé sur cette représentation. Je ne pouvais plus faire un geste, tant la scène me causait un choc, et pas uniquement parce qu'elle mettait en avant mon addiction. C'était plus profond que ça.

Ce que je ressentais, ce qui bouillonnait en moi, avait commencé à germer l'autre soir, en les voyant tous les deux au Ground Zero. Trop obnubilé par mon feu intérieur, je ne m'étais pas attardé dessus. Mes yeux maintenant fixés sur eux me forçaient à admettre la véracité de l'évidence pointée par Deku. Soumis à cette émotion dominante, amère, indésirable, quoiqu'irrésistible, elle m'avait poussé à m'introduire dans sa chambre universitaire.

De la puissance d'une tornade, cette jalousie déplacée, contre laquelle j'avais refusé de me confronter, me consumait au fil des secondes. Je fulminais tellement que je dus me faire violence pour ne pas foncer vers eux, réclamer mon bien. Si je me pliais au joug de la colère, cela tournerait au désastre, les conséquences irréversibles pour Deku. D'après mes informations, l'homme un peu maladroit était le benjamin surdoué d'une grande famille, du même nom que la fameuse clinique où ce nerd travaillait.

Une admiration de courte durée m'avait inondée, en parcourant le cursus de ce petit génie. Elle s'éclipsait désormais au profit d'une interrogation envahissante : le rôle de mentor sûrement assumé par le bicolore, qu'est-ce qui l'avait poussé à accepter les invitations du stagiaire en pâmoison ? Sans l'ombre d'un doute, ils s'estimaient, s'appréciaient peut-être. Cependant, je ne pouvais m'empêcher de trouver une telle proximité, en dehors d'un cadre professionnel, suspecte. À moins qu'un intérêt d'un autre ordre fût en jeu ?

Non, ne surtout pas glisser sur ce terrain, cela ne me concernait pas, un fait à ne pas omettre sous prétexte que cet état inhabituel amenait des pensées étranges. Les choses continuaient de prendre une direction qui échappait à mes calculs, réfléchir à tout ça s'imposait. En attendant, ce truc ravageur m'égratignait sans répit.

J'entendais presque la voix de Eijiro s'élever :

Si tu es jaloux, ça veut dire que tu l'...

Tout, mais pas ça, pitié. J'adorais nos moments ensemble, sa façon de rendre mon corps fou du sien, la caresse de ses doigts dans mes cheveux, la mélodie de son cœur, néanmoins, je ne pouvais pas l'aimer. Je préférais souffrir mille morts plutôt que de m'imaginer en couple. Je ne me sentais pas prêt, ne désirais pas cette tournure entre nous. Une bonne dose de détermination suffirait pour ne plus le toucher ou le voir ; l'éjecter hors de moi, reprendre totalement le contrôle. Si je m'y tenais, dans deux semaines au plus tard, ce nerd aura quitté ma mémoire pour de bon.

Je me détournais, ma résolution toute neuve insufflée dans mes veines, lorsque son rire vint me chatouiller les oreilles. Je serrais les poings en fermant les yeux, une bouffée d'air plein les poumons.

Retourner travailler, rentrer chez moi, les solutions idéales à la fin de ce calvaire ; ne pas y aller, se retenir, résister envers et contre tout. Déclencher une dispute par la faute d'un monstre que je n'arrivais pas à contenir entacherait forcément la carrière qu'il cherchait à bâtir. Il ne me le pardonnerait jamais, si je me présentais à eux, une réaction tout à fait normale. Sans correspondre à l'étiquette « quelconque », interférer dans sa vie au-delà de ce qu'il me permettait de distinguer dessinait les contours d'une ligne rouge. Quand bien même pas plaisant à observer, m'incruster en tant qu'obstacle à leur tête-à-tête formait la limite de l'infranchissable.

Adolescent, je n'aurai pas hésité, contrat tacite ou pas ; avancer, péter la bouche de ce bicolore avec un plaisir non dissimulé, emmener Deku, le punir en le baisant tant, si bien, et si fort, que son dernier souffle affolé d'ivresse, aurait été rendu en demandant grâce. Un plan exécuté sans réfléchir, un peu idiot, représentatif de ma personnalité d'autrefois.

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