Propositions presque indécentes

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Comme souvent, mettre de l'ordre dans mes pensées se révélait un lamentable échec pour moi. Lorsqu'elles concernaient cet individu que j'évitais depuis maintenant six mois entiers, l'exercice atteignait cependant un niveau de nullité rarement ressenti.

J'allais mieux grâce aux conseils de Mirio, la présence d'Eri, mes activités professionnelles ; je ne fuyais plus ma peine, je l'affrontais, tentais de l'oublier, la chassais, elle et sa cause, exorcisée en douceur. Pourtant, à ce moment précis, je me retrouvais non loin de sa silhouette, le mystère de la larme à chaque réveil de ces nuits tourmentées enfin élucidé, tandis que je l'observais à la dérobée.

Je parvenais à maintenir une certaine maîtrise extérieure, mon être soumis à un contrôle rigoureux. Le souffle régulier, les battements de mon cœur, ma glande sudoripare, tout semblait fonctionner parfaitement, du moins tant qu'il ne me remarquerait pas. 

Mon principal souci venait d'ailleurs, dans cette très longue seconde, aux allures d'éternité, où la passion me dévorait tout entier, de cette manière folle, éperdue, incompréhensible ; toutes ces heures sans lui, à repousser son image, à essayer de me protéger de ses invocations, s'avérait inutile, maintenant que la vérité se déversait en moi. Je ne pouvais plus lutter, mon énergie épuisée, mes défenses percées, mes armes rendues.

La faute à ce sentiment, si dérangeant, à son égard ; je haïssais toujours autant cette attirance, cette force, cette pulsion qui me guidait vers lui, alors que je passais des heures à tenter de ne pas m'égarer. Éprouver une telle chose me plongeait non pas dans une mer de félicité, mais plutôt dans un profond océan de dégoût, cette sensation en revanche restait inchangée.

Pourquoi et comment en étais-je arrivé à le regarder, ma démarche calée sur ses pas en silence, mon corps dissimulé à sa vue ?

J'étais un idiot. Un idiot amoureux.


- Je vais quitter la résidence universitaire, Deku, annonça Ochaco, d'une voix calme.

Attablés à la terrasse d'un café inondée par l'astre diurne, nous dégustions des boissons, lors d'un bel après-midi, libre de toutes obligations. Ma moitié féminine avait requis ma présence dans ce décor, endroit choisi pour cette déclaration, pas vraiment étonnante. Je savais cette idée dans son esprit depuis sa rupture avec Tenya, survenue huit semaines plus tôt ; deux mois, durant lesquels, je me plaçais en tant que spectateur impuissant du chagrin de ma meilleure amie.

Elle ne se pardonnait pas la souffrance causée à son ancien amoureux, les pleurs hors de son corps dès l'apparition du voile nocturne. Ma précieuse se maudissait, s'imaginait cruelle, pensait sa décision horrible, quand bien même elle ne la remettait pas en question. Mes paroles apaisantes du plus faible effet, seuls mes bras refermés autour de sa silhouette tremblante parvenaient à la calmer, son subconscient tranquillisé, sombrant dans un sommeil réparateur.

Je reposais mon verre, toute mon attention focalisée sur elle, tandis qu'elle continuait :

- Je n'y arrive plus, soupira-t-elle, je pense sans cesse à ce qu'il m'a avoué, son intention de me demander en mariage. Quand bien même ma réponse aurait été non, le timing était vraiment mal choisi. J'ai des remords, c'est plus fort que moi, je ne parviens pas à m'en défaire.

Devant mes sourcils levés, elle s'empressa de nuancer :

- La rupture s'imposait, notre histoire n'avait plus aucun sens, je ne dis pas le contraire ! Je me forçais par habitude, pour lui, non plus par amour. Sans le stage, je ne me serais pas rendu compte que cet attachement m'oppressait, en réalité.

Elle baissa les paupières, les épaules affaissées par le poids de la culpabilité.

- Mais si tu avais vu ses yeux, ils exprimaient une telle douleur... c'était horrible.

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