Imperceptible rapprochement

1K 110 66
                                    

Dès l'ouverture de la porte d'entrée, diverses odeurs vinrent me chatouiller les narines. Le mélange des ingrédients, la pâte cuite au feu de bois... des fumets qui me donnèrent l'eau à la bouche, éveillèrent mon appétit.

L'endroit du rendez-vous, un restaurant italien à la renommée assez discrète, datait de quelques mois et visiblement, misait sur l'authenticité. Ici, point de décoration tape-à-l'œil, comme trop souvent observée dans les rues de Tokyo : la devanture, si petite qu'elle se perdait dans un coin reculé de la ville, se remarquait à peine. Pour autant, la dizaine de tables disposée dans la charmante salle grouillait de couples, de familles en joie, ce monde sûrement en quête de dépaysement.

Une jolie jeune fille vint à ma rencontre et, après l'avoir saluée poliment, je lui indiquai le nom de l'initiateur de cette soirée, retenu à la clinique. La cheffe de rang vérifia la réservation, puis m'ordonna de la suivre. Mon regard flâna sur les photographies en noir et blanc, accrochées aux murs de briques marron clair. Colisée à Rome, gondoles à Venise, Tour de Pise... Autant d'images incitant au voyage tandis que le timbre cristallin d'une femme chantait quelque part, au loin, des paroles indéchiffrables sur fond d'une musique mélancolique, achevant ainsi de nous inviter à embarquer.

À peine me fussé-je installé en face de la table désignée, que je reconnus non loin derrière moi, la voix de mon superviseur. Impossible à retenir, mon cœur s'accéléra dans ma poitrine, une nervosité insidieuse faufilée à l'ensemble de mes fibres. La demande de mon formateur était surprenante, néanmoins, je m'interdisais à imaginer autre chose qu'un dîner, bien que le cadre du lieu choisi aggravât mon tumulte intérieur. Ce n'était pas un restaurant étoilé, toutefois, tout incitait au « plus » à espérer, de pair avec ce type d'enrobage. Le décor entier appuyait sur cette dimension romantique, ce qui me mettait un brin mal à l'aise.

Heureusement, un œil vers lui, un autre sur sa tenue décontractée, - baskets blanches, jean noir et chemise bleue m'informèrent qu'il éprouvait la même chose.

- Je suis désolé, s'excusa-t-il, une fois installé, pour mon retard, et ce cadre un peu trop exagéré. C'est Fu... ma sœur aînée qui m'a conseillé cet endroit. Je ne pensais pas que l'atmosphère serait aussi prononcée... Surtout, ne crois pas que...

Il paraissait au comble de l'embarras.

- J'admets avoir été surpris par votre question, avouai-je, mais ne vous inquiétez pas, je n'imagine rien. En revanche, je mentirais si j'affirmais ne pas m'interroger sur le motif de ce rendez-vous.

- Pourtant, tu as tout de suite accepté, releva-t-il.

Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu de contact en dehors de ma routine de travail... Mes journées se limitaient à deux déplacements : l'université, mon lieu de formation et nulle part ailleurs, depuis cet ultime moment avec Katchan. Instauré de ma propre initiative, sortir de ce périmètre de sécurité m'effrayait. Si je m'éloignais, je craignais de me retrouver devant lui et réclamer ce torrent d'émotions qu'il était seul à pouvoir déclencher.

Je chassais son image, ma complète attention sur mon superviseur.

- J'ai confiance en vous, rétorquai-je, vous êtes mon senior après tout.

Son visage se teinta d'un rose très pâle, tandis qu'il fuyait mon regard. Ce n'était plus le glacial, le distant directeur remplaçant Todoroki qui me faisait face, mais un homme mal assuré à la candeur touchante.

- As-tu oublié que c'est toi qui m'as invité le premier, malgré mon statut à la clinique ?

Piqué au vif, je renvoyai, un sourcil vers le haut.

UnderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant