Moment décisif

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- Deku ! héla la voix de ma meilleure amie, tu es prêt ?

Son timbre joyeux résonnant dans le couloir de notre résidence m'arracha un sourire, puis, au souvenir de la raison de cet appel, mon estomac se tordit tant que je grimaçai.

Je n'avais pas envie de me rendre à cette soirée à laquelle elle suppliait, ou plutôt obligeait ma présence. Sa moitié officielle nous avait conviés à la découverte d'un bar assez chic, ouvert récemment, pas loin de l'université où nous étudions la médecine depuis trois ans. Entre nous, ce fut un coup de foudre dès les premières secondes de notre rencontre, lorsque nos yeux s'étaient cherchés puis accrochés. Je l'aimais plus que je ne pourrais jamais lui dire ; elle m'apportait tant au quotidien... sa joie de vivre, son sourire rarement défait de son visage poupin et rose... toutes ces choses bien à elle, devenues d'emblée lumières de mon existence.

Trop vite à mon goût, elle ouvrit la porte de ma chambre et ne retint pas un soupir d'exaspération en me voyant encore sous la couette.

- C'est pas croyable ! s'exclama-t-elle. Tu vas déprimer longtemps ? Ça dure depuis des jours ! Tu veux bien l'oublier pour quelques heures ?

Non, je ne pouvais pas. Une soirée, une semaine, un mois, un an, une éternité, jamais de la vie, je m'y refusais. J'avais beau souffrir le martyre depuis notre rupture, il restait l'homme que j'aimais le plus au monde, à qui je devais beaucoup trop. L'effacer c'était comme perdre une partie de moi, la plus précieuse.

Elle s'avança vers moi, tira la couverture sans douceur. Je me recroquevillai dans la seconde, mon corps presque dénudé secoué de frissons glacé.

— J'hallucine ! T'es même pas habillé ! constata-t-elle, la voix aiguë. On a rendez-vous dans une heure, je te signale !

- Laisse-moi tranquille... bougonnai-je, je n'ai pas du tout envie d'y aller.

Je rabattis la couverture sur moi d'un geste rageur. Je voulais à tout prix être seul, cependant le radar infaillible de cette demoiselle me scannait avec la précision d'un chirurgien prêt à opérer. Elle lisait en moi comme dans un livre ouvert.

- Une rupture n'est jamais facile, Deku, mais s'enfermer dans la solitude n'est pas sain non plus.

Une évidence, bien entendu, néanmoins, j'avais perdu mon unique amour. Nous avions une relation si parfaite durant deux années... un bonheur. Naïf, et surtout aveugle, je croyais notre édifice inviolable. Un beau jour pourtant, parce que je n'avais pas pressenti les signes avant-coureurs qui continuaient de s'étaler devant mes yeux clos, tout s'écroula, tel un château de sable noyé par la vague. Notre cocon maintenant réduit à néant, je n'avais nulle part où me réfugier pour me protéger de ce monde triste et gris. Je désirais la solitude, ne plus sentir le vide de mon cœur que provoquait cette absence.

- Allez ! pressa Ochaco en me tirant par le bras, lève-toi et file à la douche !

J'offris ma plus belle moue en guise de réponse, une manière de lui faire comprendre de laisser tomber, mais sans succès. Elle pouffa de rire, lâchant sa prise.

- Ça ne marche pas sur moi, tu le sais bien ! déclara-t-elle, en mimant un signe de croix avec les siens, à part te rendre encore plus irrésistible.

Je lui souris. Je ne la connaissais pas, avant ses vingt-ans, mais cette fille disait tout ce qui lui passait par la tête et j'adorais ça.

Bien décidée à accomplir sa mission, elle se dirigea vers mon placard qu'elle ouvrit, ses yeux à la recherche de vêtements. En moins d'une minute, elle sélectionna ma tenue, un pull à col roulé beige et un jean noir.

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