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La proie du lion

Je le regardai avec détermination, mon indignation vis-à-vis de l'étiquette de froussard qu'il m'avait attribuée, affichée. Après des heures à tourner en rond dans ma petite chambre d'étudiant, à dissiper les effets de sa visite surprise, prendre l'air semblait une bonne idée. Je m'étais douché, changé, puis mes pieds m'amenèrent ici avant vingt et une heures, malgré la décision de laisser couler, ne pas y aller. L'envoûtement puissant que je subissais commandait néanmoins mes actions : je ne désirais pas ma présence face à lui, elle signifiait beaucoup, et si peu, mais surtout que, par la faute de cet homme, je ne me reconnaissais plus.

La manière dont il me mangeait des yeux indiquait sans mal ses intentions de cette nuit ; tourner les talons, fuir paraissait le plus judicieux, je ne voulais pas finir dévoré. Pourtant, mes jambes restaient clouées au sol, incapables de bouger. Même lorsqu'il se fraya un chemin vers moi, je le fixai toujours.

D'après mon analyse, il usait et abusait de ses charmes pour séduire n'importe qui sans effort. Un être débordant de confiance, qui ne craignait rien, allait au bout de son objectif une fois défini. Un encas, une proie de plus à ajouter sur son tableau de chasse, voilà l'image que je renvoyais. Mon corps attiré par le sien ne représentait pas plus qu'un morceau de viande.

Ce contact, lors de notre première rencontre, restait gravé dans ma mémoire pour de mauvaises raisons. Chez lui, l'investissement émotionnel était distribué avec parcimonie, jamais aux coups d'un soir. Je le sentais déjà, le danger de sa personne, la rage, le besoin de possession. Si je partais maintenant, j'évitais les problèmes, ou un engrenage sans fin se mettrait en marche.

Une partie de moi souhaitait tout de même explorer ce quelque chose qui me poussait comme un aimant. Cette attraction sans nom demeurait en moi de façon trop persistante pour l'ignorer, et la curiosité achevait de me convaincre d'aller au bout de ce caprice.

Je le désirais aussi, ou je ne me tiendrais pas devant lui, cœur et corps affolés.

Il s'arrêta à quelques centimètres de moi, nos regards soudés l'un à l'autre, pendant ce qui sembla une éternité. Il me déshabillait dans un coin de son cerveau, mon énergie rassemblée dans le maintien de ma tête haute, mes tremblements réfrénés tant bien que mal. Cette situation, conséquence de mon effronterie, allait s'assumer, puisque cela s'inscrivait dans une certaine logique... fort heureusement, tout indiquait que ce manège ne durerait pas plus d'une nuit.

Bon sang, qu'est-ce qui me prenait ? Ma place de « joujou » ne se justifiait en aucun cas ! Mes paroles dépassèrent ma pensée lors d'une conversation personnelle qu'il s'était permis d'écouter, c'était sa faute, non la mienne ! Cette réalisation provoqua un souffle de colère, m'injectant la force de me détourner, sortir sans un mot. Venir ici était une erreur. Peu importe à quel point il me plaisait, les baises d'un soir ne me correspondaient pas. Une année entière avait dû s'écouler avant d'accepter le toucher de quelqu'un sur mon corps, je ne comptais pas réitérer une telle proximité pour une histoire d'hormone.

- Tu fuis ? me nargua cette voix derrière moi, ça ne m'étonne pas, remarque. C'est une habitude, je présume ?

Je m'arrêtai sans me retourner.

- Tu ne me connais pas.

- Bien sûr que si, répliqua-t-il avec une exécrable désinvolture, je sais qui tu es, Deku. Et je peux affirmer que tu me désires autant que j'ai envie de toi. Donne-toi tous les airs que tu veux, essaye de le camoufler, si ça t'amuse, ça ne marchera pas, je lis en toi comme dans un livre ouvert.

Je pivotai pour l'affronter, le regard farouche. Il m'énervait au plus haut point, prostré à l'entrée du Ground Zero. Les bras croisés, l'épaule contre la porte, il m'avisait d'un œil critique, si intense que ma confiance s'essouffla d'un coup, le rouge très vite aux joues. La sensation de me retrouver vraiment nu sous son carmin enflammé m'affaiblissait un peu trop bien.