Under

Mise à l'épreuve

- Il t'a vraiment dit ça ? s'étonna Ochaco en se servant dans le paquet de chips entre nous, qu'est-ce que tu lui as répondu ?

Je secouai la tête. Un peu perdu une fois de retour dans le complexe universitaire après le départ de mon formateur, mon esprit désorienté, en quête d'écoute suite à cette déclaration, avait frappé à sa porte.

Non, en fait, c'était l'ensemble de la soirée qui me mettait dans tous mes états.

- Absolument rien, je n'ai pas eu le temps. Il a bu son chocolat d'une traite, il s'est volatilisé, et me voici dans ta chambre, résumai-je.

Elle acquiesça, songeuse, le bruit de mastication autour de nous. Elle attendit d'avoir fini avant de demander :

- Qu'est-ce que ça te fait de savoir ça ?

Mes genoux repliés contre mon torse accueillirent mon visage chaud.

- J'ai honte, je crois. Il m'a vu au pire moment de ma vie et maintenant, il me forme... c'est perturbant. D'après mes calculs, il n'était pas encore diplômé quand c'est arrivé, ce qui veut dire qu'il m'a observé de façon délibérée.

Je relevai mes émeraudes vers elle.

- Mais je refuse d'y songer pour l'instant, ajoutai-je résolu. Inutile de me casser la tête, n'est-ce pas ? Il n'a rien fait de mal, c'est juste étrange. Je ne sais pas comment réagir par rapport à ça.

Il y avait un autre point gardé sous scellé, plus important à mes yeux que cette révélation qui ne me choquait pas vraiment, du reste. Mon supérieur se trouvait dans la clinique qui portait son nom à cet instant décisif, je pouvais voir une certaine logique à cette intrusion dans mon passé. Je ne ressentais pas de colère vis-à-vis d'elle, plutôt une gêne qu'il fut témoin de ma descente dans les abysses du désespoir.

Il en était tout autre concernant celle du présent, percé ce soir par Katchan, dont la manière d'agir me perdait toujours un peu plus. Qu'est-ce que je représentais pour lui, en fin de compte ? Le voir débarquer, titiller sa jalousie, deux choses que je ne m'attendais pas provoquer chez lui. Tout ça ne prouvait rien, et il m'avait menti, par-dessus le marché !

Sa venue me déplaisait au plus haut point. Elle démontrait ce dont je me doutais déjà ; il craignait la menace que je symbolisais sans néanmoins pouvoir s'empêcher de réclamer après moi, de la même façon que tomber amoureux de lui m'effrayait, à force d'entendre son chant. Il était le joueur de flûte, et moi, un rat parmi tant d'autres.

Je refusais de m'égarer davantage, le brouillard de nos désirs bien trop épais. Notre incompatibilité ne pouvait plus être ignorée au détriment d'une histoire d'hormones. Nous perdions notre temps, tout simplement.

Raisonner ne suffisait pas à me calmer. Cet idiot n'avait pas le droit de s'imposer ainsi, m'attribuer un statut d'objet à revendiquer, quand je respectais ses règles. Ma colère face à cette sensation de manipulation n'avait d'égal que mon incapacité à résister à son appel. Plutôt que de le rattraper pour me prouver quelque chose, j'aurais dû m'éloigner de la zone de danger, cette première fois. Je me serais épargné bien des soucis.

- Attention, si tu t'égares trop, j'ai pour mission de prévenir quelqu'un ! m'avertit Ochaco, espiègle.

Je ris, devinant à qui elle faisait allusion. À la suite de mon départ, mon amie avait beaucoup échangé avec mon tuteur, d'après le compte-rendu reçu par mail, peu après. J'ignorais le contenu de leur conversation, mais il ne cacha pas avoir apprécié ce moment en sa compagnie, tout en regrettant mon absence. Constater à travers ses mots que le courant passait entre eux me soulageait, même si l'inverse relevait de l'impossible.