55 - Se rapprocher

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- Sérieusement ?! s'exclama Anthony, l'air incrédule.

Maddie hocha la tête.

- Je ne plaisante malheureusement pas.

Anthony se recula contre le dossier de son siège en lâchant un long sifflement.

- Waouh, fit-il, les yeux toujours ronds de surprise. Le hasard fait sacrément bien les choses !

Maddie fronça les sourcils.

- Bien ? Je ne suis pas sûre que ce soit le terme adéquat...

Elle se mit à jouer avec sa tasse et riva son regard sur son café fumant, puis ajouta :

- J'ai plutôt l'impression que l'univers me joue une mauvaise blague.

Anthony prit sa paille entre ses lèvres et aspira une gorgée de thé glacé.

- Ce qui est vrai, c'est que c'est inattendu, dit-il ensuite.

Maddie s'accouda à la table, le menton appuyé dans sa main.

- Si ce n'était qu'inattendu...

Elle perdit un instant son regard à travers la baie vitrée. Pour la troisième fois depuis l'exposition de peinture d'Anthony, ce dernier venait rendre visite à Maddie dans son université.

Anthony et elle étaient installés au dernier étage de la gigantesque cafétéria de Felice. L'ambiance était calme, il y avait peu d'étudiants, beaucoup étant déjà en vacances et ayant quitté le campus.

Maddie se mit à touiller nerveusement son café, en mordillant sa lèvre inférieure.

- Tu stresses, nota Anthony.

- Non.

Anthony la fixa en souriant.

- Si, insista-t-il. Je te connais.

- Non, je ne stresse pas, je...

Elle marqua une pause et fronça le visage, semblant chercher le bon mot.

- Je pense ! Voilà, je pense, c'est tout.

Anthony croisa ses bras sur la table devant lui, affichant une moue peu convaincue. Maddie évita son regard quelques secondes, regardant à droite à gauche. Anthony ne bougeait pas d'un millimètre. Maddie soupira.

- OK ! Je stresse. Mais tu ne stresserais pas à ma place ? Un tête à tête avec Sally pendant des heures, je n'en rêvais pas franchement !

Anthony laissa échapper un petit rire.

- J'imagine bien.

- La tuile. Non mais franchement, la poisse. Sally Smith et moi, quel duo ! débita Maddie, d'une seule traite.

Anthony se mit à jouer avec sa paille.

- Mais ce n'est plus la Sally d'avant, non ? Ce n'est pas ce que tu me disais ? La Sally qui vient à la bibliothèque ne ressemble guère à celle qu'on a connue au lycée.

- C'est vrai mais...

La voix de Maddie se brisa, elle tentait de retenir ses larmes.

- J'ai tant de mauvais souvenirs avec Sally, reprit-elle. Mon esprit en est encombrés.

Touché par sa brusque montée d'émotions, Anthony tendit le bras par-dessus la table et replaça une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Maddie eut un petit sursaut.

- Désolé !

Il se recula en affichant un sourire hésitant.

- L'habitude, dit-il tout bas.

Des réflexes de couple, pensa aussitôt Maddie en rougissant. Elle détourna les yeux.

Ce geste tendre, lui aussi, ravivait des souvenirs, mais des bons. Plus les jours passaient, plus Maddie ressentait le manque d'Anthony.

Elle inspira profondément et confia :

- J'ai éprouvé de la pitié pour Sally après son accident, de la compassion, aussi. Depuis peu, je me surprenais à ne plus ressentir d'émotions négatives quand je la voyais, on échangeait même quelques mots ces derniers temps.

Elle se tut, se gratta nerveusement la nuque avant de demander :

- Mais est-ce que ça suffit pour que je fasse comme si de rien n'était ?

- Personne ne te demande de faire comme si de rien n'était, dit Anthony. Il s'agit de faire comme tu le sens.

Maddie se remit à se mordiller la lèvre. Quand elle croisa le regard d'Anthony, elle se stoppa et un petit sourire étira les coins de sa bouche.

- Tu as raison, asséna-t-elle. Je ne peux pas laisser le passé m'empêcher d'avancer.

Elle chassa ses inquiétudes d'un revers de main. Anthony lui fit un clin d'œil.

- Qui ne mérite pas une seconde chance ?

Maddie fit une drôle de tête en bredouillant quelques mots inaudibles. Anthony pouffa.

- Marmonne plus fort que je t'entende !

Maddie sourit franchement.

- Je ne donne pas de deuxième chance, moi. Ce n'est pas mon rôle.

- Tu n'es pas Dieu, Maddie ? Ou peut-être Sœur Maddie ? Ou bien...

Maddie plaqua sa main sur la bouche d'Anthony pour le faire taire. Il se dégagea en riant.

- Eh bien, on se fait carrément bâillonner !

- Pour t'empêcher de déblatérer trop de bêtises.

- Je suis pourtant un sage. Je ne dis que des paroles réfléchies, pleines de bon sens et...

- Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! ironisa Maddie.

Ils se regardèrent un instant, un sourire aux lèvres.

- Quand est-ce que tu vois Sally pour travailler ? s'enquit Anthony.

- Après les vacances, répondit Maddie. Aucune de nous n'est à Felice la semaine prochaine.

- Ah oui ?

Son ton avait été un peu aiguë, Anthony semblait gêné. Il joua un peu avec sa paille avant d'oser demander :

- Qu'est-ce que tu fais pour les vacances ?

- Je rentre à la maison.

Après un petit silence, elle lui retourna la question.

- Moi aussi, dit-il. Je rentre chez nous.

Le « chez nous » fit tout drôle à Maddie.

- On pourrait passer du temps ensemble, aller au lac par exemple, qu'est-ce que tu en dis ?

Maddie plongea son regard dans celui d'Anthony et acquiesça.

- Avec plaisir.

- J'ai hâte, articula Anthony si bas que Maddie l'entendit à peine.

Elle se demanda même s'il avait bien prononcé ces mots. Ses yeux brillants et son petit sourire lui assurèrent que oui.

Elle se retint de se lever et de se jeter dans ses bras, elle n'avait jamais eu autant envie de l'embrasser.

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