60 - Fête de reprise

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La fin des vacances rimait systématiquement avec fête. Organisée la veille de la reprise des cours par la fac elle-même, la soirée prenait place dans le bâtiment principal de Felice.

Aucune invitation n'était nécessaire, tout le monde était bienvenu. Le but était d'offrir une occasion de créer du lien entre les étudiants de différents cursus et de tous niveaux.

La nuit venait de tomber quand Sally traversa le campus. Elle avait d'abord fait un crochet par sa chambre pour vider sa valise et ranger ses affaires. Sur le chemin, elle avait envoyé un message à Elizabeth pour la prévenir qu'elle se rendait à la soirée et lui dire qu'elle avait hâte qu'elle l'y rejoigne.

En arrivant devant l'immense salle, Sally croisa quelques personnes discutant à côté des portes coup-feu laissées grandes ouvertes. À l'intérieur, Sally se promena un moment parmi les étudiants avant de repérer Marjorie et Grayson accompagnés de membres de leur troupe.

Elle les rejoignit et se mit à discuter avec eux quand Elizabeth surgit à leurs côtés. Elizabeth salua le groupe avant de prendre Sally dans ses bras. Les amies profitèrent d'aller chercher à boire pour se retrouver seules toutes les deux.

— Tes vacances en famille ? s'enquit aussitôt Sally.

— Le kiff ! répondit Elizabeth. J'ai dormi, mis les pieds sous la table et les fesses sur ma serviette au bord de la piscine. Ça, c'est vraiment des vacances.

Sally sourit en l'écoutant.

— Et toi, ce stage ? Visiblement tu t'es bien éclatée, lança Elizabeth.

Sally confirma d'un hochement de tête.

— Oui, c'était génial.

Elizabeth se pencha vers son amie et joua des sourcils.

— Par contre, tu ne m'as pas du tout parlé de la gent masculine... Avec qui as-tu fricoté ?

Fricoté ? répéta Sally en pouffant. Ton vocabulaire m'étonnera toujours.

Elizabeth prit un ton désinvolte pour renchérir :

— Et tu n'as encore rien vu, enfin, rien entendu, plutôt !

Elizabeth lui adressa un clin d'œil appuyé avant de reprendre un air sérieux et de brandir un index sous le nez de Sally.

— Mais ne cherche pas à m'embrouiller, mademoiselle ! Tu ne vas pas me faire croire que tu n'as côtoyé aucun comédien talentueux et sexy !

Sally secoua la tête avec un sourire.

— Bah, si.

— Je n'y crois pas, soupira Elizabeth. Il n'y avait pas un Di Caprio dans ton groupe ?

Sally fronça le visage.

— Il est bien trop vieux.

Elizabeth leva les yeux au plafond.

— Sally ! Tu es irrécupérable. Quand je dis Di Caprio, c'est pas Leo lui-même, même si objectivement je trouve qu'il est très séduisant pour son âge, beaucoup lui reproche son embonpoint, moi je l'aime bien et je n'aurais aucune difficulté à avoir une petite relation avec lui, enfin bref ! Je te parle de ce qu'il représente : le comédien beau gosse et talentueux. C'est une référence, dirons-nous.

— Et tu n'as pas plus jeune comme référence ?

Elizabeth soupira en faisant les gros yeux.

— Non ! Dis-moi, tu as l'intention de noyer le poisson, ce soir ? Tu esquives mes questions !

Sally la fixa un instant avec un léger sourire.

— Alors, pour vous répondre : non, chère madame, je n'ai fricoté avec personne. Et il n'y avait aucun Di Caprio digne de ce nom.

— Diantre. C'est fichtrement dommage.

Elles rirent en chœur. Puis, sous le regard amusé de Sally, Elizabeth leva son verre.

— Bon, ben, aux Di Caprio à venir !

— Tchin !

Elles entrechoquèrent leurs verres, Sally but une gorgée de son thé glacé. Il était vrai qu'elle ne s'était rapproché de personne pendant le stage. Aucun participant n'avait attiré son attention. Ce n'était pas les jolis garçons qui manquaient, mais son envie de s'y intéresser.

Elle n'avait jamais été du genre à aller vers la gent masculine. Sa première et unique relation avait duré le temps du lycée et c'était lui, Ashton, qui était venu vers elle. Il avait eu du mal à la conquérir, Sally ne s'étant pas laissée séduire aisément. Il fallait dire qu'elle ne faisait pas confiance, Sally avait appris dès petite à appréhender les gens avec distance et méfiance.

Son accident avait changé beaucoup de choses en elle. Il lui avait notamment permis de se détacher de l'emprise de ses parents et de leur façon d'appréhender le monde. Partir du principe que celui qui vous fait face vous veut plus souvent du mal que du bien était une idée intégrée dans l'ADN des Smith, mais Sally ne voulait plus avoir le réflexe de la défiance envers autrui.

Au lycée, Ashton avait été le seul à créer un lien fort avec Sally. C'était parce que leur connexion était si intense et particulière que Sally avait profondément mal vécu leur séparation. Avec le recul, elle la comprenait. Elle avait menti à Ashton, elle l'avait dupé alors qu'il l'aimait du plus profond de son cœur. Comment l'être aimé aurait-il pu ne pas mal réagir en découvrant la vérité ? En apprenant ce qu'elle avait fait et lui avait caché.

Une voix familière la sortit de ses pensées.

— Salut vous !

Elle leva la tête et rencontra le visage souriant de Nate. Instantanément, un sourire s'épanouit sur son propre visage. Le regard qu'Elizabeth lui lança était éloquent. Nate n'était certes pas comédien, mais il pouvait clairement être le Di Caprio de Sally. Elizabeth n'avait pas oublié combien son amie était gênée de parler de lui. La jeune fille décida de s'éclipser pour les laisser tranquilles.

— J'ai besoin de voir Meriem, annonça-t-elle à Sally. À plus tard.

Avant même que Sally ait eu le temps d'ouvrir la bouche, Elizabeth avait disparu au milieu de la foule. Nate parut embarrassé.

— Je vous ai dérangées, s'inquiéta-t-il.

— Pas du tout ! C'est Elizabeth, elle est comme ça.

Sally tourna la tête vers lui.

— Tu vas bien ?

Nate se mit alors à lui raconter ses vacances passées à organiser des manifestations sportives dans sa ville.

Au lycée, il s'impliquait déjà dans la mise en place d'activités et depuis qu'il était étudiant, il profitait des vacances de printemps pour venir donner un coup de main.

— Ça me permet de faire de bonnes actions tout en profitant de mes proches. De toute façon, je suis trop actif pour rester à ne rien faire. Ce n'est pas dans mon tempérament.

— Je te comprends, je suis pareille. Je ne tiens pas en place. 

Ils échangèrent un sourire et continuèrent d'évoquer leurs vacances respectives. Sally parla de son activité théâtrale en omettant d'évoquer qu'elle avait eu la chance de voir un de ses textes joué par ses camarades. Laisser Marjorie la complimenter auprès de tous était une chose, en parler d'elle-même en était une autre.

La soirée était bien avancée et leur conversation toujours aussi fluide et agréable quand Sally sentit son téléphone vibrer dans son sac, posé sur ses cuisses. Elle fouilla et en sortit son portable.

Un nouveau message s'affichait sur l'écran. Sally resta médusée quand elle découvrit son expéditeur. Ashton. Ashton venait de lui envoyer un texto pour prendre de ses nouvelles et aussi, accessoirement, pour lui proposer de la voir. Sally resta muette un long, même un très long moment.

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