Campus

63 - Hésitations

Le moment confidences avec Sally ainsi que leur séance de travail l'avaient épuisée, mais Maddie devait malgré tout assurer ses trois heures de travail à la bibliothèque.

Pas question de se défiler, d'autant qu'une de ses collègues était absente à cause d'une prétendue indigestion. Pour l'avoir croisée la veille à la fête, Maddie était convaincue qu'il s'agissait plutôt d'une bonne gueule de bois.

Maddie prit son service et enchaîna ses différentes activités habituelles : rangement dans les rayons, tri des livres, enregistrement et réception des ouvrages empruntés.

Elle ne vit pas le temps passer et quand vint l'heure de quitter la bibliothèque, elle jeta un œil vers la table qu'elle occupait plus tôt avec Sally. Sa binôme, comme elle pouvait désormais l'appeler, n'y était plus. Elle avait dû s'éclipser alors que Maddie était concentrée à la tâche.

Maddie gagna rapidement la cafétéria, elle voulait profiter le plus longtemps possible de sa pause déjeuner, il lui fallait reprendre des forces avant de se rendre en cours. La nuit avait été courte et la matinée pleine d'émotions. Maddie sentait que la fin de journée serait dure, elle pressentait qu'elle ne ferait certainement pas long feu lorsqu'elle rentrerait au dortoir.

En réfrénant un bâillement, elle monta à l'étage le plus élevé de la cafétéria et fit la queue. Après avoir récupéré sa commande, Maddie navigua entre les tables en balayant du regard autour d'elle. Lorsqu'elle repéra Kristen et Meredith, elle se dirigea droit sur elles.

— Hey ! s'exclama Kristen avec un large sourire en voyant Maddie arriver. Qui voilà ?

— C'est notre jeune demoiselle qui s'est tirée en douce hier soir, taquina Meredith.

— Je plaide coupable, répondit Maddie avec un sourire.

Elle s'assit à leurs côtés et posa son plateau devant elle.

— Mais où étais-tu ? l'interrogea Kristen en la fixant avec curiosité.

Meredith enchaîna :

— Élise ne nous a rien dit de plus que « Maddie a été appelée par l'amour et n'a pas eu d'autre choix que d'y répondre sous peine de le laisser partir à jamais » !

Maddie pouffa.

— Élise, la romatique.

— Quand on parle du loup !

Élise venait en effet de surgir en bout de table. Elle s'installa aussitôt sur la chaise voisine de Maddie et passa un bras autour de son cou en haussant un sourcil éloquent.

— Alors, alors, cette fameuse nuit ? J'espérais te voir faire un crochet par notre chambre pour me raconter tes aventures mais j'ai été bien déçue...

Élise fixa ostensiblement la tenue de Maddie.

— Il me semblait bien que tu es habillée pareil qu'hier ! intervint Meredith.

— Tu n'es pas la seule à avoir remarquer, dit Maddie.

Élise fronça le visage.

— Qui ça ?

— Sally.

— Sally ? répétèrent en chœur Kristen et Meredith, l'air surpris.

— Quand est-ce que tu as vu Sally ? questionna Élise.

— À la biblio, ce matin. On doit bosser ensemble.

Maddie présenta en quelques mots le travail qu'elles avaient à faire.

— Et ça a été ? demanda Meredith d'un ton préoccupé.

— Oui, très bien.

Élise lui jeta un regard suspicieux.

— Très bien ? Carrément ? Tu m'as l'air bien enthousiaste.

— Oui, je pense qu'on va travailler en toute intelligence toutes les deux.

Ses trois amies eurent le même regard circonspect. Meredith leva les mains dans un signe de résignation.

— Je ne comprends plus rien.

— On a loupé une étape, je crois, lança Kristen.

Maddie les regarda alternativement avec un petit sourire avant d'expliquer que Sally et elle avaient eu l'occasion de se parler honnêtement et de faire table rase du passé.

Kristen repoussa son assiette vide et posa ses coudes sur la table pour se pencher vers Maddie.

— Alors ce qu'elle t'a fait, tu lui pardonnes ?

— Pardonner, c'est un grand mot. Disons que je ne regarde pas en arrière.

Kristen acquiesça avec l'expression de celle qui comprenait.

— Vous repartez de zéro, sur de nouvelles bases ?

— Repartir de zéro, c'est impossible. Mais sur de nouvelles bases, oui. En tenant compte de la situation et du fait que chacune a changé.

— Tu es sûre de toi ? s'enquit Élise, l'air grave. Est-ce qu'en tant qu'amie, je dois quand même te mettre en garde ou pas ?

Maddie secoua la tête. Puis avec un sourire franc, elle répondit :

— Ce n'est pas nécessaire. Mais merci de t'inquiéter.

Élise prit Maddie contre elle et l'embrassa sur la joue.

— L'important, c'est que tu te sentes bien dans ce que tu fais.

Meredith et Kristen échangèrent un regard de connivence.

— Ça ne nous dit pas où tu t'es enfuie cette nuit...

Élise s'accouda à la table, le menton calé dans le creux de sa main, et son regard partit dans le vague.

— Raconte-nous tout. Fais nous rêver, Maddie !

— J'ai agi sur un coup de tête, mais j'ai bien fait.

— Des détails ! Des détails ! la coupa Meredith en tapant ses couverts contre la table.

Kristen lui lança un regard appuyé.

— Du calme !

Maddie se mit à rire.

— Ne vous battez pas !

— Alors ne nous fais pas languir ! réclama Meredith.

Maddie relata sa soirée ; insistant sur le moment où elle avait réalisé qu'elle aimait profondément Anthony. Puis sur son départ précipité de la fête pour se rendre à Stanfild.

— Sérieux ? s'exclama Kristen d'une voix aiguë. T'as débarqué comme ça devant sa porte ?!

Maddie opina en sentant ses joues rosir. En y repensant, c'était quand même risqué.

— C'est beau l'amour, soupira Élise.

— J'imagine que ça s'est bien passé quand il a ouvert la porte ? avança Meredith avec un petit sourire.

Maddie continua d'opiner.

— Tu as donc passé la nuit là-bas, à ne faire que dormir, évidemment, avant de revenir tôt ce matin à Felice ?

Maddie sourit à Kristen avant de lui répondre :

— Tu as presque tout juste... Je ne suis pas revenue tôt ce matin, j'étais même bien en retard pour mon rendez-vous avec Sally...

Kristen fit semblant de réfléchir, l'air impénétrable, puis lança :

— C'est parce que tu as trop dormi !

— Exactement ! renchérit Meredith. Trop de dodo !

Les quatre amies partirent d'un grand éclat de rire.