Chapitre 8

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Helei

Décembre 1876

Toujours assis sur le sol sale, je fixais le professeur Daergos qui rangeait son arme sous son long manteau. L'aura violette s'était estompée, laissant une impression surnaturelle autour de lui. Mon coeur ne battait toujours pas, je ne le sentais plus. La peur avait comme annihilé tous mes sens. Les yeux bicolores de l'homme s'étaient accrochés aux miens.

— Comptes-tu rester assis sur ce sol poussiéreux ?

Il me tendit sa main à nouveau gantée. Je la regardais sans la saisir, je ne voulais pas toucher cet homme. Il avait tué cette créature de sang-froid, aucune émotion dans le regard. Alors qu'il comprenait ma pensée, il leva les yeux au ciel, exaspéré.

— Laisse-moi t'aider, Helei.

— Ne vous approchez pas ! Vous êtes le Diable en personne !

Je reculai alors qu'il regardait autour de nous.

— Je te l'ai dit, je ne suis pas le Diable mais une Ombre. Si tu ne veux pas me croire, ça ne regarde que toi.

Ses yeux brillaient de colère et l'aura violacée fut remplacée par une de volutes noires. Il me saisit par le bras et me remit debout avant de me pousser en avant, à l'opposé de la taverne. Le toucher de sa main sembla me brûler, comme si une flamme vivait dans le creux de sa paume.

— Rentrons. Les frères vont découvrir ton absence.

— Ils n'ont jamais rien découvert.

— Crois-moi, ils ne tarderont pas. Et tu risques d'avoir de sérieux problèmes avec le révérend.

Les hautes portes de bois du monastère apparurent enfin devant nous

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Les hautes portes de bois du monastère apparurent enfin devant nous. Le bâtiment nous surplombait et quelques tas de neige tombaient. Le professeur tendit la main vers la porte et l'ouvrit grâce à une orbe de lumière sombre. Il me poussa à l'intérieur. L'angoisse était cramponnée à mes estomac et je craignais de vomir.

Les couloirs du rez-de-chaussée, bordés d'alcôves, ne m'avaient jamais paru aussi longs. Les ténèbres qui habitaient le monastère se mouvaient comme de véritables fantômes. Un des frères pourrait en sortir sans que je ne le voie arriver. L'orbe de sang qu'avait créé le professeur Daergos me restait en mémoire. Sa magie s'était gravée dans mon cerveau. Peut-être avais-je rêvé, mais je savais, au fond de mon être, que tout était réel.

Le moindre craquement des meubles me faisait sursauter. Il me semblait entendre à chaque instant la respiration d'un religieux. Le professeur Daergos marchait à mes côtés sans aucun bruit, il se confondait avec les ténèbres du monastère. Ses cheveux flottaient dans son dos, en harmonie avec ses mouvements.

La porte de ma chambre me parut comme une bénédiction, je ne l'attendais plus. Le noeud qui obstruait ma gorge se déliait, me laissant respirer correctement. L'angoisse s'atténuait mais ne disparaitrait qu'une fois allongé dans mon lit. J'allais poser ma main sur la poignée lorsque le professeur Daergos me saisit le poignet.

L'Ombre du LuxembourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant