Enfermé depuis son treizième anniversaire dans un monastère, Helei laisse le temps passer tout en servant des sourires polis aux moines. Sage et attentif, il dissimule son activité nocturne derrière son air angélique. Chaque nuit, il emprunte un sou...
Un bruit sec résonna contre la porte de ma chambre. Il me fallut un instant avant de réaliser que le coup n'était pas un rêve. J'ouvris les paupières alors qu'une douce clarté régnait dans la pièce. Les rideaux beiges ne laissaient passer qu'une partie des rayons, mais suffisamment pour m'indiquer qu'il faisait jour.
Je frottai mes yeux, encore embrumés de sommeil. Mon corps me paraissait figé, comme si mon sang s'était cristallisé. M'asseyant au bord du lit, je passai mes mains sur mon visage. Mes pensées me paraissaient tout autant gelées que mon corps. À nouveau, un coup résonna. J'entourai mon corps d'un peignoir vert émeraude avant d'ouvrir la porte.
Le visage angélique d'Evangeline m'apparut. La jeune femme souriait et dardait sur moi un regard bienveillant. Je restai ébahi devant sa tenue de sortie, composée d'un lourd manteau blanc et de bottines noires. Quelques mèches de ses longs cheveux blonds caressaient son visage alors qu'un ruban bleu les retenait en arrière.
— Bonjour, Helei ! Comment vas-tu après cette deuxième nuit ?
— Bonjour... Plutôt bien, la remerciai-je alors qu'elle me poussait légèrement pour entrer.
Je la regardais faire tandis qu'elle se tournait face à moi, toujours le sourire aux lèvres. D'un geste délicat, elle déposa un chapelet sur la table. Il tinta contre le bois et le son, si cassant entre les mains des moines, me parut cristallin. J'eus comme un pincement au coeur en revoyant ce symbole de foi. Il m'accompagnait depuis presque cinq ans et je n'avais pas pensé à l'emporter, il avait brûlé dans l'incendie du monastère. L'institution à laquelle il appartenait ne me manquait pas, mais il représentait une partie de ma vie.
Evangeline continuait de me fixer avec bienveillance tout en arrangeant ses gants noirs. Son sourire me rassura à peine et je resserrai mes bras autour de mes côtes.
— Je vais toujours me promener dans la cour avant le déjeuner. J'ai pensé que tu aimerais m'accompagner, me proposa la jeune femme.
Sous sa demande polie, je sentis une sorte d'insistance. J'acceptai d'un hochement de tête, la gorge obstruée par un noeud. Evangeline m'adressa un sourire resplendissant et me laissa seul pour que je puisse m'habiller. Alors que la porte se refermait dans un petit grincement, je récupérai le chapelet dans ma main. Ce léger poids me ramena quelques années en arrière, lorsque l'on m'avait arraché à ma famille. J'entendais à nouveau les cris de ma mère, les protestations de mon père. Mais le révérend n'avait rien voulu savoir, il m'avait emmené avec lui sans se soucier de mes parents.
Étaient-ils toujours en vie ? Je l'ignorais. Nous étions cloitrés dans ce monastère, sans nouvelles de nos proches. Mes parents avaient peut-être trépassés et je ne le savais même pas. Les traits de leur visage m'apparaissaient flous. Je ne me souvenais plus avec précision des yeux noisette de ma mère, ni de ceux verts de mon père. Ils me manquaient, mais au fond de moi, j'étais résolu à ne plus les revoir. Une fatalité que j'avais dû accepter.
Une larme roula sur ma joue et je l'essuyai avec rage avant que mes émotions négatives ne me submergent. Mes jambes tremblaient, secouées par tout ce que je tentais de contenir. Un instant, je restai figé avec le chapelet entre les mains. Qu'aurais-je fait si Méphisto n'était pas apparu ? Serais-je resté dans ce cloître ? Qu'aurais-je fait de ma vie ? La gorge nouée par le poids des sentiments, je secouai légèrement la tête. Mon nouveau statut d'Ombre m'offrirait l'opportunité d'aider les gens.
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