Chapitre 28

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Helei

Décembre 1876

Les ténèbres m'engloutirent alors que je passais l'entrée créée par Méphisto. L'odeur d'humidité et de moisissure me saisit à la gorge, si bien que je fronçai les ailes du nez, essayant tant bien que mal de me soustraire à cette puanteur. Un couinement résonna dans le couloir et des griffes raclaient le sol de pierre, nous indiquant la présence probable de rats. Je frissonnai lorsque l'un de ces rongeurs effleura ma cheville.

Je ne tardai pas avant de projeter une flamme, effrayant ainsi les bestioles et éclairant le passage. Les murs me paraissaient larges et moins abimés que celui emprunté précédemment. Des candélabres y étaient fixés, mais aucun ne contenait de bougies. La poussière s'y accumulait et des araignées avaient tissé leurs toiles autour du métal. Un air froid parcourait le couloir et sifflait contre le pierre et dans les recoins.

— Avançons, il faut retrouver Evangeline au plus vite.

Méphisto passa devant moi et s'éloigna promptement vers les ténèbres. Ses mots, confiés avec réticence, résonnaient en moi telle une rengaine. Je ne parvenais toujours pas à accepter certaines choses et un frisson me gela les vertèbres alors que je pensais au monastère. Certains élèves de ma volée avaient-ils vécu ce genre de sévices ou était-ce seulement Méphisto qui avait attiré le révérend ?

Mes yeux étaient fixés dans le dos de mon mentor et je me surpris à essayer de distinguer son tatouage. Je ne me souvenais pas l'avoir vu en entier. Quel forme avait-il ? Les traits étaient-ils fins ? Comment s'inscrivait la magie de l'Abscondam dans la peau ? J'avais bien tenté d'apercevoir le mien dans un miroir, mais je n'y étais jamais parvenu.

Mes pensées continuèrent de diverger alors que nous avancions dans ce dédale de couloirs. Tous se succédaient sans que je ne parvienne à savoir réellement où nous allions. Notre but apparut enfin sous la forme d'une porte. Méphisto s'arrêta quelques mètres avant et je manquai de lui foncer dedans. Son aura violette entrecoupée de fils d'argent se mit à étinceler et ses pupilles se perdirent dans le vague. Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas réellement ce qu'il faisait. Pourquoi n'avançait-il plus ?

Je posai ma main sur son épaule. Aussitôt, un brouillard grisâtre envahit mon esprit et ma vision. Je ne distinguais plus les murs de pierres, tout s'était modifié. Loin, profondément enfoui dans la brume, je sentis l'esprit d'Evangeline. Inconsciemment, je distinguais ses longs cheveux blonds, ses yeux bleus si doux, son visage aux traits fins qui inspirait la confiance. Son corps chétif était entouré de pierres. Des tableaux abstraits étaient accrochés aux murs et encadraient le fauteuil noir dans lequel était assise la jeune duchesse. Elle tenait dans les mains un ouvrage qui semblait l'ennuyer.

Surpris, je lâchai précipitamment l'épaule de Méphisto et reculai. La brume se retira immédiatement, ne laissant aucun résidu. La pâle lumière des flammes la remplaça. Une étrange sensation s'était logée derrière mes paupières et je cherchai presque instantanément une réponse dans les prunelles de Méphisto.

— Tu as utilisé notre lien. Il t'a transmis ma projection d'esprit.

Je hochai de la tête. Méphisto m'avait déjà parlé de cette projection d'esprit. En se concentrant suffisamment, il pouvait observer les gens sans se déplacer. Chaque Ombre en était capable, mais mon mentor ne me l'avait pas encore appris. Notre lien était puissant.

— Evangeline est bien derrière cette porte, il n'y a personne avec elle.

Méphisto n'attendit pas mon accord avant d'ouvrir la porte, me laissant hébété et incapable de formuler une pensée cohérente. Je n'eus d'autre choix que de la suivre.

L'Ombre du LuxembourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant