Helei
Décembre 1876
La nuit s'était levée et avait plongé le domaine des d'Antraigues dans un manteau de ténèbres. La pleine lune projetait ses rayons lumineux et faisait miroiter la neige. Quelques flocons commençaient à tomber et brouillaient l'air. Le silence semblait dissonant alors que nos bottes crissaient dans la neige. Le lourd manteau du professeur Daergos frappait presque son tendon d'Achille tandis qu'il avançait, déterminé à finir cette mission le plus rapidement possible.
Je tremblais, peut-être était-ce le froid ou la peur. Les arbres fantomatiques tendaient leurs branches vers nous comme s'ils voulaient nous griffer et nous empêcher d'avancer. Frémissant d'angoisse, je restais près de Méphisto. Son aura me rassurait plus que je ne voulais l'avouer.
Les rues de Luxembourg me paraissaient hostiles en cette nuit de pleine lune. Le talons de nos bottes claquaient sur les pavés, certaines pierres se détachaient de l'entité et menaçaient de se dérober sous nos pieds. L'écho de nos souffles retentissait sur les briques sombres et se répercutait dans l'air. Notre respiration formait une buée au contact du froid et se mêlait à la brume. Des volutes de brouillard s'enroulaient autour de nos chevilles, elles voulaient nous retenir, nous garder prisonniers au milieu de cette ruelle inhospitalière.
Mes inspirations et expirations me paraissaient si bruyantes, l'Abscondam devait sûrement les entendre, tout comme mon coeur qui avait perdu son rythme calme. La brume était incroyablement lourde, elle pesait sur mes bras et mes épaules, m'empêchant de suivre correctement mon mentor.
Méphisto se confondait avec le brouillard et après une infime seconde, je ne l'aperçus plus. Les battements de mon coeur redoublèrent alors que l'ombre de ses cheveux noirs s'estompait. J'accélérai le pas, manquant de glisser sur les pavés recouverts de neige.
— Méphisto ? appelai-je dans un chuchotement.
La forme floue qui avançait devant moi se figea et je perçus une imperceptible respiration. En courant, je rejoignis mon mentor. La peur m'avait complètement envahi et je peinais à la refréner. Elle cristallisait mes veines et diffusait une étrange sensation dans ma tête. Le professeur Daergos s'était arrêté et me jeta un bref regard suspicieux.
— Ne t'éloigne pas trop, Helei. Le temps est propice à la surprise.
Je hochai de la tête, la gorge douloureuse à cause du noeud qui la serrait. Nous nous remîmes en route, ne voulant pas rester statiques. Plusieurs fois, je me retournais alors que la désagréable sensation d'être suivi me guettait. Méphisto n'y prêtait pas attention et continuait, quoi qu'il arrive, son chemin.
— Méphisto, j'ai une drôle d'impression. Je crois que l'on nous suit.
Le claquement d'une mâchoire m'interrompit. Le sang quitta mon corps et je sentis mon visage pâlir. Ce n'était pas une impression, l'Abscondam nous avait suivi. Le professeur Daergos fronça les sourcils et me fit signe de me retourner calmement.
L'Abscondam avait déjà fait une victime. Du sang imbibait le pourtour de sa bouche alors que des morceaux de chair s'étaient coincés entre ses dents pointues. De ses canines, gouttait de l'hémoglobine qui, en tombant, tachait la neige. Ses yeux, aussi pourpre que notre liquide vital, se posèrent sur Méphisto et moi. Ses lèvres gercées s'étirèrent en un rictus forcé. Il y passa sa langue, étalant davantage le sang.
J'eus un mouvement de recul, dégoûté par l'odeur métallique qui se dégageait de cette ignoble créature. Méphisto passa une main dans mon dos, m'empêchant de reculer.
— Le fameux élu, te voilà enfin, grogna l'Abscondam.
Sa voix rocailleuse m'effraya davantage et je tentai à nouveau de reculer. Le professeur Daergos renforça sa prise et me lança un regard sévère : je ne devais pas montrer ma peur. Il invoqua ses flammes violettes alors que je l'imitais, faisant apparaitre mon feu bleu. La créature haussa un sourcil avant de les froncer. Quelque chose clochait et mon mentor n'attendit pas le premier coup, il frappa.
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L'Ombre du Luxembourg
ParanormalEnfermé depuis son treizième anniversaire dans un monastère, Helei laisse le temps passer tout en servant des sourires polis aux moines. Sage et attentif, il dissimule son activité nocturne derrière son air angélique. Chaque nuit, il emprunte un sou...