Chapitre 23

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Helei

Décembre 1876

L'angoisse s'insinua jusqu'à ma poitrine tel un poison létal. La terreur qui résonnait dans ce hurlement me pétrifia. Le tremblement de mes mains sembla redoubler alors que je sentais mon coeur battre frénétiquement. Une perle de sueur glissa le long de ma colonne vertébrale, gelant les muscles qu'elle rencontrait.

Horrifié, je lançai un regard à Méphisto ; il s'était déjà levé. L'esprit embrumé, je le suivis alors qu'il ouvrait la porte à la volée. Le panneau de bois rencontra le mur dans un bruit tonitruant, l'onde de choc paraissait résonner dans les fondations. L'atmosphère était étrange, le temps comme figé par la nuit. L'air ressemblait à des pointes de cristal, elles s'accrochaient à notre peau et tentaient de nous empêcher d'avancer, nous retenant loin de notre objectif.

Les cheveux de Méphisto, qui s'étaient détachés, flottaient dans son dos. Eux aussi semblaient bouger au ralenti, stoppés par les secondes qui défilaient. Un battement régulier pulsait derrière mes yeux, signe d'une inquiétude grandissante. Le premier étage ne m'avait jamais paru si loin, nous ne mîmes pourtant que quelques secondes avant d'y accéder.

La chambre d'Evangeline était fermée, rien d'étrange à signaler. Le duc, dans son peignoir brodé de fils d'or et d'argent, descendait les escaliers en trombe, son garde du corps sur les talons. Les traits du noble étaient figés, aucune angoisse ou inquiétude ne s'y lisait. Pourtant, au fond de ses yeux, se reflétait une appréhension bien réelle. Elle brillait comme une flamme, si bien que je considérais un instant que cet homme pouvait ressentir autre chose que de la cupidité. Un ressenti qui ne dura pas alors qu'il demandait d'une voix parfaitement maitrisée :

— Que se passe-t-il ? Pourquoi Evangeline a-t-elle crié ?

— Si nous avions une réponse, nous n'attendrions pas derrière cette porte, répliqua Méphisto.

Le duc ne sourcilla même pas, il n'eut qu'un geste à l'égard de David, lui ordonnant d'ouvrir le panneau de bois derrière lequel se cachait la future duchesse d'Antraigues.

La porte s'ouvrit sans grincer, ne laissant qu'un souffle froid s'échapper. Tel un serpent, il s'insinua en nous, s'enroulant autour de nos corps. Je frissonnais alors qu'un profond malaise m'oppressait. Une lanière froide encercla mon front. Une vive douleur se déclencha derrière mes yeux, broyant mes tempes dans un étau. Immédiatement, j'y apposai mes mains dans l'espoir d'amoindrir cette souffrance. Alors qu'une nouvelle vague me faisait hurler, Méphisto me poussa sur le côté d'un coup d'épaule.

Aussitôt, la douleur s'estompa, disparaissant presque. Effaré, le coeur battant à tout rompre et le corps tremblant, je regardai Méphisto tendre les mains vers l'intérieur de la chambre. Deux souffles d'énergie verts fusèrent des ténèbres et se jetèrent tels deux mambas sur le professeur Daergos. L'Ombre bougea légèrement les lèvres et leva les bras vers le lustre qui ornait le couloir. Un vent destructeur s'abattit contre le cristal. Les pierreries claquèrent entre elles, projetant des éclats sur nos visages. La magie de Méphisto et les mambas se rencontrèrent avec une telle violence que le duc et David furent projetés dans le couloir. L'onde de pouvoir me poussa moi aussi au sol. L'horreur, tout autant que l'émerveillement, battait en moi tandis que je regardais les magies s'entrechoquer brutalement.

La puissance émeraude perdit peu à peu du terrain et celle de Méphisto, quasiment translucide, finit par redoubler d'intensité. Les mambas crachotaient, de légères étincelles verdâtres se répandaient au sol, brûlant le tapis. Les énergies étrangères émirent une lueur bizarre avant de s'agglutiner tandis que le vent retombait. Une structure de quartz remplaçait la porte de la chambre.

L'Ombre du LuxembourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant