Chapitre 11

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Helei

Décembre 1876

Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis la mort de frère Daniel. La morosité s'était emparée du monastère. Tous avaient perdu la joie de vivre devant la cruauté du révérend. Celui-ci resserrait son emprise sur nous, ne nous laissant plus aucun moment de liberté. Seuls les cours du professeur Daergos nous apportaient un peu de joie dans ce lieu dénué d'humanité.

Les prières du soir s'étiraient dans le temps. Les paroles psalmodiées n'avaient plus aucun sens, je ne les comprenais plus. Le plafond qui me paraissait si haut s'était comme affaissé et les couleurs que projetait le vitrail se ternissaient. La vie avait déserté avec la mort de frère Daniel.

Lorsque le clocher sonna, indiquant le moment d'aller dormir, tous mes camarades sortirent à la suite des moines. Seul frère Gaël s'attarda aux côtés du professeur Daergos.

— Qu'attends-tu enfin pour le faire sortir d'ici ? Il s'impatiente, murmura le religieux.

— J'aimerais bien, mais le révérend m'empêche d'agir. Sa disparition serait suspecte.

Méphisto me lança un regard en coin, conscient que je l'observais. Il finit par chuchoter quelque chose au frère qui blêmit.

— Hors de question !

— Réfléchis, Gaël, nous n'avons pas d'autres choix.

L'ecclésiastique soupira avant d'acquiescer. Les deux hommes s'éloignèrent et je rejoignis ma chambre.

Une odeur de fumée envahit la pièce

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Une odeur de fumée envahit la pièce. Je fronçai le nez et ouvris les paupières. L'intérieur de la chambre s'était embrumé, noyé dans les cendres. Je toussai aussitôt, protégeant mon visage de ma main. Appelant Eddy, je remarquai qu'il n'était plus là. La porte commençait à brûler. Les flammes léchaient le métal et le chambranle. Je me précipitai à l'extérieur, blessant mes mains au contact du feu. Le bois qui retenait la charpente crépitait tandis que celle-ci se décomposait. Les pierres se noircissaient alors que la fumée envahissait l'espace.

Mon coeur palpitait sous les assauts des cendres. Mes poumons ne parvenaient plus à respirer alors que j'essayais de capter de l'air. La panique enserrait ma gorge et je sentis que la Faucheuse n'était pas loin. Un craquement raisonna, suivi par une déflagration qui me projeta au sol. Des morceaux de verre me tombèrent dessus et je protégeai ma tête de mes mains. La chaleur de l'incendie avait fait exploser les fenêtres.

Mes forces commençaient à faiblir et je peinai à me relever. Mon corps était comateux, comme si quelque chose m'empêchait d'être maitre de moi-même. Ma tête était prise en étaux et la douleur me fit perdre un instant la réalité. Mes mains s'agrippèrent aux murs et la pierre griffa le bout de mes doigts. Je continuais de tousser, essayant d'avancer. Les crépitements des flammes s'intensifia alors que, par dessus le chaos, s'élevaient des bruits de pas.

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