Le fantôme

25° Douches, porte close et pas d'issue

Chapitre 25.

Clac ! C'est le bruit qu'entendirent Tim et Justin lorsque la porte se referma derrière eux.

Une semaine était passée depuis que l'idée d'enfermer Tim et Justin avait germé dans l'esprit de Mathéo. Nathan, Iseult et lui avait alors eu largement le temps de peaufiner leur plan pour savoir où est-ce qu'ils allaient les coincer, quand et comment.

Pour l'endroit, ils avaient opté pour les douches communes dans le vestiaire des garçons au gymnase auquel ils se rendaient chaque semaine pour faire du handball. Une seule porte permettait d'y accéder depuis les vestiaires. Ils n'auraient ainsi pas besoin de la clé pour les enfermer à double tour: la force de Nathan, Iseult et Mathéo suffirait à bloquer la porte, même si Justin et Tim s'alliaient pour la pousser à deux.

Pour la date, ça leur avait semblé évident. Ils profiteraient du cours de sport du lundi matin. Ainsi, alors que Tim et Justin rentreraient candidement dans les vestiaires pour se changer une fois la séance de handball terminée, Nathan et Mathéo sauteraient sur l'occasion pour les attirer dans les douches.

Ce dernier point était un peu plus compliqué. Tim avait une confiance aveugle en ses amis, ça ne serait donc pas difficile pour eux de le convaincre de se rendre dans les douches. Mais c'est le cas de Justin qui les inquiétait davantage... Celui-ci n'était pas né de la dernière pluie, il était loin d'être aussi naïf que Tim. Cependant, Justin était chétif, taillé comme un mikado et possédait autant de force qu'un poussin sortant de l'oeuf. Mathéo dit donc à Nathan et Iseult que s'ils ne parvenaient à l'emmener où ils voulaient de gré, ils pourraient toujours utiliser la force.

Ils avaient quand même le mince espoir qu'ils ne seraient pas obligés d'en arriver là, et qu'avec un peu de chance, Tim et Justin finiraient par se reparler sans bénéficier de leur aide. Mais leur incrédulité sut les ramener à la réalité: à la fin de la semaine, aucuns des deux n'avaient essayé de faire un pas vers l'autre. Et ils n'allaient pas mieux pour autant.

Lundi matin, au gymnase du lycée, Nathan, Iseult et Mathéo savaient ce qu'il leur restait à faire. Si le temps n'était pas parvenu à les réconcilier, alors il fallait forcer les choses. Lorsque la séance de sport toucha à son terme, notre trio n'échangea pas un mot: ils connaissaient leurs tâches.

Iseult se précipita dans le vestiaire des fille et se changea à toute allure, sous le regard surpris de ses camarades féminines. Il fallait qu'elle soit prête lorsque Nathan et Mathéo l'appelleraient pour bloquer la porte. Du côté de ces derniers, c'était assez tendu. Mathéo avait facilement réussi à faire entrer Tim dans les douches. Il s'était isolé avec lui en prétextant qu'il avait quelque chose à lui dire que personne d'autre ne devait entendre. Malheureusement, Nathan n'avait pas été aussi efficace avec Justin, qui devenait de plus en plus méfiant au fur et à mesure qu'il débitait des excuses pour l'attirer vers Tim.

Devant son échec cuisant, et redoutant que Tim finisse par s'impatienter, il soupira et se résolut à utiliser la force. Alors que Justin venait de tourner des talons pour se changer, Nathan le rattrapa sans prévenir et le souleva du sol avec une facilité déconcertante, le prenant comme un sac à patates sur son épaule.

— Mais qu'est-ce que tu fous ?! s'écria Justin, dans une incompréhension totale, sous le regard amusé des autres garçons.

— C'est pour ton bien.

Il fonça sans attendre dans les douches, le déposa là, et s'en alla en courant sans lui laisser le temps de poser la moindre question. En voyant Justin, Mathéo se dit que c'était le bon moment et planta Tim avec qui il discutait de tout et de rien pour le maintenir en position, et s'enfuit rejoindre Nathan dans les vestiaires, avant de claquer la porte derrière lui.

— Il se passe quoi ? l'interrogea un des mecs qui avait assisté à cette curieuse mise en scène avec incompréhension.

— Rien. On aide juste nos potes à se réconcilier, ça fait une semaine qu'ils se font la gueule, lui répondit Mathéo.  Oh, et dépêchez-vous de vous rhabiller les gars, Iseult ne devrait pas tarder à débarquer.

— Tu peux venir Iseult ! cria justement Nathan, l'épaule contre la porte, prêt à pousser si jamais Tim essayait de sortir par la force.

Rougissant jusqu'aux oreilles, les quelques garçons encore présents dans le vestiaire finirent de se changer en vitesse et de les laisser faire ce qu'ils avaient à faire. Ils auraient bien voulu en savoir plus, étant des adolescents curieux, mais il fallait dire qu'il était bientôt l'heure d'aller manger et qu'ils ne voulaient pas arriver en retard au self au risque de se retrouver avec les desserts dont personne ne voulait.

La brune arriva lorsqu'il n'y eut plus personne dans les vestiaires hormis Nathan et Mathéo. Elle s'empressa de leur prêter main forte, posant ses petites paumes sur la porte.

L'ambiance était pesante du côté des douches. Un blanc gênant s'était installé lorsque Tim et Justin avaient réalisé qu'ils n'étaient pas tout seuls. Ils évitaient tous deux le regard de l'autre. Justin n'avait toujours pas fini de se changer, il avait encore son survêtement mais était torse nu, n'ayant pas eu le temps de mettre son tee-shirt après l'assaut de Nathan. Il s'empressa donc de l'enfiler, gêné de se retrouver seul dans la même pièce que Tim.

Ce dernier ne comprenait pas ce qu'il faisait là, et il était de toute façon trop chamboulé pour réfléchir correctement. Ça faisait une semaine qu'il n'avait plus vu Justin, et voilà qu'il était désormais enfermé avec lui, alors que son tee-shirt lui collait presque à la peau et qu'il se dandinait sur place d'une manière effroyablement mignonne à cause de son embarras. Dieu mettait ses hormones à l'épreuve, Tim ne voyait pas d'autre explication.

— Mathéo tu peux m'expliquer ?! s'écria-t-il tout de même pour mettre fin au silence qui les gênait tous les deux.

— Parle à Justin, c'est tout ce qu'on te demande ! lui répondit-il à travers la porte.

— Quoi ?! Mais pourquoi ?

— Ce serait dommage pour tous les deux de vous ignorer jusqu'à la fin de l'année scolaire ! Arrêtez de faire vos trouillards et réconciliez-vous, c'est pas difficile quand même ! s'exclama Nathan qui était toujours appuyé sur la porte. Et n'essayez même pas de sortir par la force, ce serait peine perdue, on est trois à pousser contre deux. Vous n'avez plus le choix. Soit vous vous parlez, soit vous restez là. À vous de voir.