9. Mene'thil

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Je suis toujours accrochée à Shark et je trempe littéralement son t-shirt avec mes larmes.

Je sens les siennes dans mon cou et ça m'aide à rester connectée à la réalité.
Dès que je ferme les yeux, je me revois. Je revois tout et ça me tue.


- C'est fini, me dit-il.


Je secoue la tête.


- Non, c'est pas fini. Pas encore.


Je me détache de lui, sans le lâcher et reprends mon micro que j'avais accroché au pied.


- C'était il y a six ans.


Au son de ma voix, tout le brouhaha se stop et toute l'attention de la salle est redirigée vers moi.

Je vois ma meilleure amie en pleurs, elle aussi et ça me fait mal de la voir dans cet état.

Elle connaissait ma peur viscérale de l'eau, mais elle n'en a jamais su la cause.


- En plein hiver. Je passais tous les jours devant le lac à la sortie de la ville pour aller au lycée. À l'époque j'habitais juste derrière à une dizaine de minutes de marche.
Une copine devait m'apporter du matériel, pour un devoir d'art, alors on s'était mises d'accord de commencer à faire le chemin chacune de notre côté pour se retrouver.


Je prends une grande inspiration et continue.


- Quand je suis arrivée au niveau du lac, on m'a attrapée par les cheveux. Je me suis mise à crier, mais tout ce que j'ai gagné était un coup de poing dans la mâchoire. J'essayais de me débattre, mais impossible. On me frappait encore, et encore. Je me souviens avoir saigné, beaucoup.


Je sers encore plus fort Shark contre moi.


- Ça a duré un temps interminable. Je vous passe les détails, mais j'étais vraiment dans un sale état. Je me rappelle qu'il m'a repris par les cheveux une seconde fois quand j'étais à terre, puis il a commencé à me taper la tête contre le sol. Sol qui n'était autre que le lac gelé... J'étais complètement dessus et, à force de frapper, la glace à cédée.


J'entends Priya crier d'effroi et je vois son frère la prendre dans ses bras.


- Je me débattais, j'essayais de remonter la surface mais j'étais trop faible et trop amochée... Mes membres ont commencés à s'engourdir à cause du froid, mon sang rouge au début est devenu violet et mon bourreau m'a maintenu la tête sous l'eau. J'essayais de ne pas respirer, je me battais contre la volonté de respirer mais j'ai cédé. J'ai senti l'eau rentrer dans mes poumons, ça m'a brûlé le nez et la gorge, alors je me suis mise à tousser frénétiquement, sauf que plus je toussais, plus l'eau rentrait rapidement. Ce jour là, je suis morte. Je suis morte assassinée et je suis morte noyée. Tuée par quelqu'un dont je ne connaissais même pas l'existence et c'est le fait que quelqu'un mette fin à ma vie qui m'a fait le plus mal. Mourir seule aurait été différent, je me serais pas posée toutes les question que j'ai pu me poser avant de mourir, ou que je me pose encore à l'heure actuelle. J'étais comme spectatrice de ma propre mort. Ma vue a commencée à se brouiller, jusqu'à ce qu'elle disparaisse totalement. Puis le son. Sous l'eau tout est étouffé. Je pleurais, j'avais froid et j'avais mal... Aujourd'hui, je revis cette scène toutes les nuits. C'est mon cauchemar éveillé.


Je tourne la tête vers mon professeur. La douleur dans ses traits est indescriptible.


- Voilà ce que représente la mort pour moi. La mort, c'est le meurtre et la noyade. C'est la douleur et la peur. Et quand on a la chance comme moi de revenir parmi les vivants, c'est un cauchemar. Je me dis chaque jours qu'il aurait mieux valu que je meurs définitivement il y a six ans. Ça m'aurait évité de souffrir chaque secondes qui passent.


J'essuie mes larmes et termine mon récit.


- Si je suis encore parmi nous aujourd'hui, c'est parce mon amie que je devais retrouver avait essayé de me joindre mais n'avait pas réussi. Elle s'est inquiétée et a appelé la police. Elle est arrivée sur les lieux en même temps qu'eux et mon assassin s'est enfui. Le temps qu'ils comprennent que si il y avait un corps dans le lac c'était à cause de lui, il était déjà loin. L'un des policiers a fait tout le nécessaire pour me ramener. À l'arrivée des pompiers, ils ont pris le relais. Mais vous savez quoi ? Ils ont rempli un certificat de décès. Parce que j'étais vraiment décédée et ils m'ont ramenés vraiment au dernier moment. Ce dont je me souviens de mon passage dans l'au delà, c'est ce que j'ai ressenti. Les dernières émotions de quand j'étais en vie. J'avais froid et j'avais mal. J'avais peur. C'est ça l'enfer. On n'y va pas en faisant de mauvaises actions, tout dépend de comment notre vie se termine.


Je me tourne vers Shark qui ne m'a pas lâchée.


- Maintenant c'est fini.


À ces mots je plonge dans ses bras et pleure. Je pleure de soulagement et de douleur. La douleur de me souvenir. Me souvenir de tout, sauf du visage de mon tueur.


- On va t'appeler la sirène maintenant, me dit-il en riant.


Je me détache légèrement et le questionne du regard.


- Tu nous as tous envoûtés avec ta voix et ta chanson, mais tu nous a tous tués d'un seul coup une fois que notre attention était concentrée sur toi. Exactement comme font les sirènes dans la mythologie.


J'éclate de rire.


- Tu me compare à une sirène alors que j'ai la phobie de l'eau ?

- Justement !

- C'est comme si moi je t'appelais "pigeon" alors que t'as peur du vide !

- Eh, un peu de respect, je t'ai pas "appelée" sardine non plus !

- Pardon, toutes mes excuses, oh grand aigle royal !

- Je préfère ça.


Je lui frappe l'épaule et ris légèrement. Il a su détourner mon attention. Il est très fort.


C'est le bordel autour de nous, tout le monde se pose des questions entre eux, ma meilleure et amie et mon prof sont à deux doigts de sauter sur Shark pour m'assaillir de questions et moi, je me dis que j'ai réussi à mettre un club de biker à genoux. Pas mal, faudra que je le rajoute sur mon CV.... Ma date de mort aussi d'ailleurs.

Drowning The Mermaid (SDNG Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant