Chapitre 33

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Scott

Le repas s'est passé sans trop d'encombres malgré le fait que Julia a fait tomber le contenu rougeâtre de son verre sur l'un de ses jeans préférés. Elle est partie se changer et Luna lui a offert une nouvelle tenue. Je me demande comment elle peut rentrer autant de choses dans ses si petites affaires.

Hormis ça, Charlotte a accueilli la nouvelle arrivante à bras ouvert avec la même gentillesse dont elle fait preuve habituellement. C'est étrange, j'ai l'impression que mes sœurs ont deux personnalités complètement opposées, mais elles sont tout de même très proches. Julia est extravagante, aime parler fort et s'intéresse à tout ce qui ne la concerne pas, tandis que Charlotte est beaucoup plus réservée et réfléchie. L'une aime prendre le temps de la réflexion alors que l'autre fonce régulièrement tête baissée sans trop penser aux conséquences de ses actes. Je ne sais pas à laquelle des deux je ressemble le plus. Au lycée, je crois que je prenais exemple sur la plus jeune en sachant pertinemment que l'ainée me couvrirait coute que coute. Ça a toujours marché, sauf ce soir-là, mais elle n'y est clairement pour rien.

Je relève les yeux de mon téléphone et regarde Luna allongée à plat ventre sur son lit en train de gribouiller dans un cahier. Elle a attaché ses cheveux avec une pince que Charlotte lui a prêtée et semble réfléchir à quelque chose en particulier. Elle a l'air si concentrée qu'elle n'a même pas aperçu que je la fixe intensément. Son crayon à papier danse entre ses doigts d'une façon presque artistique, je ne sais pas si elle se rend compte à quel point elle est belle dans un moment pareil.

Tout à coup, sans bouger d'un poil de sa position elle m'appelle d'une vois mélancolique :

- Scott ?

- Oui ? je demande en redressant la tête, mais en restant tout de même allongé sur le dos.

- Tu crois que c'est mal ce qu'on fait ? C'est pas ce qui était prévu et...

Sur ces mots elle se tourne dans ma direction d'un coup de bras et j'aperçois une gouttelette perlée sur sa joue qu'elle essaye de faire disparaitre à l'aide de son bras.

Je me relève et m'assois sur mon lit en face d'elle en posant mes pieds au sol. Je comprends de quoi elle me parle et c'est vrai qu'elle n'a pas tout à fait tort, ce n'est pas ce qui était convenu. Je sais pertinemment que l'on doit avoir cette discussion à un moment ou à un autre, mais je ne suis pas sûr de la vouloir maintenant, ni jamais d'ailleurs. Fuir mes problèmes et la réalité a toujours été mon plus gros défaut et c'est à cause de ça que j'ai perdu Luna il y a de ça quatre ans.

J'ouvre mes bras et elle vient s'y réfugier comme si elle avait vu un monstre par la fenêtre. À vrai dire, ça ne m'étonnerait même pas, mon père a enfilé une perruque violette pour faire flipper les gamins qui sont invités. Les pauvres, ils vont se pisser dessus. Mon père est plutôt doué avec les enfants, quand j'étais petit, c'est lui qui organisait mon anniversaire d'une main de fer. Tout y passait, les invitations, les activités et le maquillage de clown. D'ailleurs, Luna a toujours été jalouse de ses talents de maquilleurs, allez savoir pourquoi.

- À ce moment-là, ça me paraissait être une bonne idée, mais j'ai rapidement regretté.

- Je me doute, me répond Luna en posant sa tête sur mon épaule.

Je me rallonge sur le dos et elle fait de même en fixant intensément le plafond. Ses pupilles restent accrochées à la peinture blanche sans bouger d'un millimètre.

- Tu te souviens des étoiles qu'on avait accrochées dans ma chambre ?

Bien sûr que je m'en souviens. Elle avait acheté une trentaine d'étoiles fluorescentes dans un magasin de déco et les avaient accrochés avec mon aide parce que contrairement à elle, en tendant le bras je touchais le plafond. Je l'avais aidé à repeindre sa chambre quelques jours plus tôt et elle avait changé tous ses meubles de place au moins cinq fois durant ces vacances-là.

Rôles inversésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant