Un coeur sur la vitre

21

  Hugo. Je me réveille aux côtés de Kim. Il est onze heures quarante. L'alcool n'est presque plus dans mes veines. Mais tout ce dont je me souviens, c'est ce que j'ai vécu avec Hugo. Je ne me souviens que de sa chaleur, de ses tendres baisers et de ses étreintes. Jusqu'à présent j'avais l'impression de m'être totalement éteinte. J'avais la sensation de n'être qu'un corps dépourvu d'âme et de sentiments. Son regard a éveillé la totalité de mes sens. Je n'ai jamais touché de peau aussi douce que la sienne, et je n'ai jamais goutté salive aussi somptueuse. Mon cœur trésaille. Était-ce bien réel ? Et comme chaque fois, je pense n'avoir jamais rien connu de tel. Tout mon être s'éveille. Hugo. Ma bouche ne peut que prononcer ces quatre lettres, et pourtant elle ne désire que lui. Je pensais être morte. Jusqu'à aujourd'hui.
     - Bien dormi ?
Kim est aussi réveillée.
     - Comme un bébé.
Je lui souris. Je suis un peu gênée. J'aimerai lui poser un tas de questions sur Hugo. Il y a tellement de choses qui me passent à l'esprit. Est-il en couple ? Suis-je son style de fille ? Est-il sérieux ? Est-ce que je vais le revoir ? Est-ce qu'il est là à nouvel an ? Mais je me tais. Je n'arrive pas. J'ai envie de prolonger le mystère. Ma cécité m'exaspère. Mais j'étais comme irrévocablement tombée sous l'emprise de Hugo. Il doit avoir plein de filles à ses pieds et j'étais sûrement le coup d'un soir, bien qu'il ne ce soit rien passé de concret. En soi, il n'aurait fallu que quelques grammes d'alcool en trop pour que rien de cela ne se passe. J'aurais très bien pu me souvenir de rien, m'endormir dans un coin de la maison, ou même lui vomir dessus. Mais pour une fois, j'ai réussi à me contrôler. Pourquoi c'est devant lui ? Pourquoi j'ai réussi à changer, le temps d'une soirée, pour quelqu'un que je ne connais même pas ? Pourquoi est-il entré dans ma vie ? Est-ce vraiment une bonne chose ? Je suis hantée par ces questions.
Tellement que j'en oublie ma cuite de la veille, je ne pense même plus à mes douleurs abdominales et mes nausées. Je pense encore et encore. Des montées d'adrénaline font range à l'intérieur de moi quand je me repasse en boucle ce que j'ai fait hier soir, comme un film sans fin, où la scène de baiser se répète sans cesse.
     - Mia ?
Je me retourne vers Kim et je l'interroge du regard.
     - Qu'est-ce qu'il s'est passé hier au fait ?
Ce qu'il s'est passé ? Je pensais que ça allait être un gars comme les autres, que je n'allait pas faire attention à lui, mais quand sa bouche a eu le cran d'effleurer ma peau, c'était comme si j'avais trouvé cette raison pour tout arrêter, cette raison pour enfin changer, il a été cette étincelle qui m'a manqué pendant toute cette année. Au cours de ces trois cent cinquante jours, jamais des idées aussi heureuses m'ont traversé l'esprit. Il n'y a que dans ses putains de bras que je suis sentie capable de tout arrêter. Et j'aimerais le crier, le hurler.
     - Rien de spécial, on s'est juste embrassés.
     - Tu sais, c'est la première fois que je vois Hugo comme ça, comme il l'a été avec toi, me dit-elle.    
     - C'est sûrement parce qu'il était bourré, et moi aussi d'ailleurs, alors n'en parlons plus.    
     - Tu comptes continuer ?
     - C'est-à-dire ?
     - Bah, le revoir, pourquoi pas essayer quelque chose. 
     - Je ne sais pas Kim, je ne le connais absolument pas.    
     - Tout ce que je peux te dire, c'est qu'il ne te fera jamais de mal. C'est un gars honnête et sincère. Je ne l'ai vu qu'une seule fois en couple, et il était très sérieux et impliqué.   
J'aimerais croire à tout ça, mais ça me fait affreusement peur. Hugo a du rencontrer des dizaines de filles dans sa vie, il a du coucher avec plein d'entre elles. Je ne veux pas être une conquête parmi tant d'autres. Je ne veux pas être « personne », comme à mon habitude. Je veux être quelqu'un d'exceptionnel pour une fois.
    La journée s'est écoulée et il ne s'est pas déroulé une seule seconde sans que je ne pense à Hugo. Pourquoi me fait-il cet effet ?
     - Bon, on vient te chercher demain, vers dix-huit heures.   
     - D'accord, je répond.    
C'est vrai qu'il y a encore la soirée de nouvel an demain. J'aurai tellement aimé revoir Hugo. Juste une fois. Pour me certifier ce que je ressens à son égard, mais surtout pour me prouver à moi-même que tout cela était bel et bien réel.